BONNETS ROUGES D'HIER ET D'AUJOURD'HUI : PETIT RAPPEL SUR L'UNION NATIONALE.


Rédigé le Mercredi 24 Avril 2024 à 17:59 | Lu 7 commentaire(s)


IN WAR RAOK ! - N° 39 - Mars 2014


 

Avant tout se débarrasser de tous les préjugés positivistes, marxistes, mondialistes et relativistes. Sentir la Bretagne non pas de l'extérieur et par des sens tronqués d'avoir trop vu, trop entendu, trop touché, mais la sentir vibrer à fleur d'âme, à cœur battant contre son cœur. Voir la Bretagne, dire sa vérité. Des hommes sont venus de partout, ils ont prétendu comprendre le vieux mouvement des bonnets rouges de 1675. Ils ont apporté leurs outils, mais c était des bulldozers chargés de détruire le vieil édifice pour le reconstruire selon leurs goûts.

N'en déplaise aux élites dénationalisées, l'histoire est largement l'histoire des peuples et des caractères nationaux.

Lorsqu'il consacre une étude au soulèvement des bonnets rouges, Boris Porchnev, stalinien chevronné, entend bien faire avouer à notre histoire une lente maturation de la lutte de classe, dont les épisodes successifs ne seraient que des étapes vers la révolution bourgeoise, elle-même grosse de la révolution prolétarienne. Cette thèse est celle qui était enseignée à l'Université de Bretagne Occidentale jusqu'au milieu des années 1990 ! Avant lui, Arthur Moyne de la Borderie, pourtant père de l'historiographie nationale bretonne, versa dans l'exécration des révoltes et par conséquent dans la condamnation des bonnets rouges, au nom des intérêts d'une noblesse, pourtant décadente et largement francisée.

Et puis en 1975, au nom d'ESB (Emsav Stadel Breizh), Gwenael Maze insérait cette insurrection dans le contexte de l'émergence de l'Emsav, entité volontariste et révolutionnaire, et « producteur de valeurs universelles ». Il conviendrait ici d'approfondir le concept de valeur et de dire de quel univers il s'agit...


Le contexte historique

 

A partir de 1661 le roi Louis XIV décide d'imposer la monarchie absolue dans ce qui n'est pas encore exactement un hexagone. La Bretagne est un pays d'Etat, c'est-à-dire que des Bretons des trois ordres, clergé, noblesse, Tiers-Etat, se réunissent dans une assemblée chargée de négocier le montant de l'impôt avec les commissaires ou intendants représentant le roi de France. La bureaucratie imbécile et aveugle, l'esprit encrassé d'une suffisance dite classique sont bien le fin mot du style français. Le Bourbon entend transférer les attributs du divin vers le politique. Or le politique comme l'Etat c'est encore Louis XIV.

Nous sommes à la fin de l'âge d'or de la Bretagne (fin du XVIème siècle - fin du XVIIIème siècle) qui a vu le commerce des toiles enrichir les juloded du Léon, les marins de Penmarc'h faire concurrence à ceux de Hollande, les bâtisseurs d'églises user de tout leur art pour sculpter d'innombrables chapelles. Le protectionnisme étouffant de Colbert aura raison de la vocation de puissance de la Bretagne. Selon Carl Schmidt, l'essence du politique résiderait dans la contradiction amis/ennemis. Or les intérêts économiques de la Bretagne sont opposés à ceux de la France. La Bretagne est une puissance thalassocratique en devenir : elle est tournée vers le Royaume-Uni et l'Espagne, tandis que la France engoncée dans son costume de puissance continentale ne voit le monde qu'à travers ses espoirs impériaux.

Cette volonté impériale sans impérium se traduit par une centralisation du pouvoir et une lente mais ferme standardisation du « mode de vie » (way of life à la française). Comme l'a bien senti Tocqueville, la centralisation du pouvoir en France n'est pas la conséquence de la Révolution Française mais une de ses causes, la première phase de la dite révolution étant une révolution nobiliaire amorcée au Parlement de Bretagne à Rennes.

Paradoxalement, Boris Porchnev est contraint de reconnaître le caractère national du mouvement.

Comme on l'a bien compris depuis et à nos dépens, fol est celui qui croit en la parole de l'Etat français pour exprimer le verbe de la nation bretonne. L'Acte d'Union de 1532 qui interdisait de lever de nouveaux impôts en Bretagne sans l'accord des Etats de Bretagne a été déjà violé des dizaines de fois, les impôts s'ajoutant à toutes les formes d'asservissements imaginables.


Des révoltes : une seule insurrection

Comment peut-on dissocier la révolte anti-fiscale de la révolte nationale et sociale quand dans le code paysan issu de la contagion insurrectionnelle en Basse-Bretagne, il est dit qu'il sera interdit « de donner retraite à la gabelle et à ses enfants » et que seront traités durement « les ennemis de la liberté armorique ».

Les insurgés appelés torrepenn savent qu'au cours d'un combat il y va souvent d'un choix propre à la tragédie : la liberté ou la mort. 

Progressisme ? C'est oublier un peu vite que la référence aux « libertés armoriques » est un appel non à une conquête mais à une reconquête. Au XVIIème siècle la Révolution signifie encore le retour à un point d'origine, aux franchises des commencements, à la volonté de donner « un sens plus pur aux mots de la tribu ». Révolution conservatrice...Et c'est bien la Très catholique Espagne qui, si elle eut suivi son discours et la pente de ses intérêts, aurait pu aider notre nation à recouvrer son entière indépendance.

C'est oublier aussi que la question de la propriété, centrale pour les marxistes, reste ouverte dans le code paysan. De la volonté de voir s'établir des mariages entre l'ordre de la noblesse et du Tiers-Etat  « qui partagera également entre eux les biens de leurs successions » on peut cependant déduire que la petite et moyenne propriété privée avait la préférence des fougueux « torrepenn ».


Les lendemains de la liberté nationale

Hiver 2013-2014. Tout a changé en Bretagne. Tout ? Non si peu que c'est toujours le peuple breton qui veut reconquérir sa liberté. Quand une nation s'unit contre l'asservissement ce sont tous les insurgés qui obtiennent leurs lettres de noblesses. Les revendicateurs gagnes-petits, les couards du juste milieu (milieu de quoi au fait ?), les faux prophètes qui s'auto-désignent chefs d'une insurrection qu'ils voudraient muer en révolte passagère, ceux-là seront vomit par le peuple, tout comme le divin vomit les tièdes.

Tout a changé, rien n'a changé. Des dizaines de milliers de Sébastien le Balp s'unissent, combattent, ouvrent en cette aube de l'année 2014 un horizon dans le ciel qui surplombe l'Atlantique. Le temps des moissons viendra. Le pain bénit par les combats ne sera récolté que par ceux qui ont lutté, et lutté encore, d'un souffle toujours renouvelé dans les voiles de notre « liberté armoricaine ». L'union nationale se hissera au niveau de l'amitié nationale. Les politicards, les combinards de toutes espèces, les mesquins carriéristes de l'impasse carhaisienne franchiront ou non la frontière de leurs ambitions françaises accomplies ou non, mais ils ne pourront jamais regarder en arrière. Dans le futur musée des antiquités armoricaines, toute la nation bretonne pourra contempler demain leurs statues de sel.  

 

Kalig an Aotreet.



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