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MOUEZH BREIZH, LA VOIX DE LA NATION BRETONNE

DE LA NATURE, NOUS AVONS FAIT TABLE RASE !


Rédigé le Mercredi 24 Avril 2024 à 18:03 | Lu 5 commentaire(s)


IN WAR RAOK ! - N° 39 - Mars 2014


 

Les années 1960-1970, ont été les années des grands bouleversements environnementaux liés à l’indispensable modernisation de l’agriculture bretonne, modernisation dont personne n’a contesté l’utilité, et qui a donné le fameux « modèle breton », remis aujourd’hui en question, et dont nous payons maintenant les conséquences économiques, mais aussi environnementales désastreuses.

Ceux qui ont vécu ces années, se souviennent des remembrements menés à travers toute la Bretagne. Des années qui furent ponctuées par les obsédants rugissements des bulldozers buttant les talus et les arbres séculaires, les tronçonneuses qui réduisaient en quelques minutes les vénérables chênes en cordes de bois ou piquets de clôtures. Du jour au lendemain, la petite chapelle blottie au milieu du bocage et à laquelle on accédait par un poétique chemin creux ombragé se retrouvait dans un paysage de grandes plaines dignes des « grandes Prairies » de l’Ouest américain. Les tortueux cours d’eaux se retrouvaient tirés au cordeau, et sur ces paysages de désolation régnait un silence de cimetière, car toute faune en avait aussi été chassée, quant elle n’avait pas tout simplement été broyée, réduite en bouillie par les chenilles des bulldozers. Le Breton qui était depuis longtemps devenu iconoclaste de tout ce qui faisait son identité se laissait persuader qu’il lui était indispensable de gommer toutes traces de l’œuvre de ses ancêtres en faisant peu de cas des paysages travaillés sculptés par eux. On nous a expliqué que le paysan, que l’on appellera dès lors agriculteur, puis « exploitant agricole », cela faisant moins terroir, moins identitaire, n’avait pas le choix, qu’il lui fallait bien passer par ces sacrifices. Effectivement, on ne peut nier que cette modernisation allait engendrer des choix parfois mal vécus, et que derrière  cette modernisation, ces destructions au nom de la rentabilité il y avait des intérêts financiers énormes liés à divers lobbies apatrides de l’agroalimentaire, des coopératives, des banques. Mais entre la « table rase » systématique et des choix réfléchis, il y avait une place, et cette place, l’agriculteur ne s’en soucia pas, il lui fallait être moderne, et cela ne pouvait se faire qu’en se démarquant totalement de ses prédécesseurs. Yann Brekilien, dans son très documenté livre « La Bretagne qu’il faut sauver » (1), écrit : «  Pourtant, si ces talus ont été édifiés, il devait bien y avoir une raison. Les technocrates officiels et diplômés sont congénitalement portés à considérer qu’avant eux il n’était fait que des bêtises. Et puis il faut bien dire qu’on ne leur a jamais appris, à l’école, à quoi servent les talus bretons ». Alors, ces Messieurs se sont mêlés d’apprendre à la nouvelle génération d’agriculteurs que l’arbre c’était l’ennemi, il prenait de la place, il faisait de l’ombre aux cultures, et que dans l’agriculture d’avenir il n’y avait pas de place pour la beauté, la poésie, le paysan gardien des traditions, jardinier de la nature, c’était le passé au même titre que la langue, les costumes et les bannières. 

Il y eu donc les remembrements officiels, mais par la suite quand les agriculteurs entrèrent en possession de leurs nouvelles exploitations agrandies, regroupées, ils s’empressèrent d’éliminer la plupart des derniers talus boisés qui avaient échapper aux bulldozers, le moindre centimètre carré devait être cultivé, et cette perversion de l’esprit, ce mercantilisme ne voyait plus que dans un arbre des cordes de bois.


De la terre à la lune…

 

En cette fin d’année 2013 et la nouvelle année, la presse a largement consacré ses pages aux diverses inondations. On serait tenté de dire : « rien de plus banal », chaque hiver-printemps c’est ainsi, comme en été les incendies de forêts. En ce qui concerne la Bretagne, dans le quotidien « Aujourd’hui en France » du 5 janvier, une interview du géographe Jacques Lescoât, lui-même sinistré de la Laïta en furie, auteur de « La Bretagne ou l’environnement égaré ». Il nous dit : « Il faut replanter des haies ». On ne saurait qu’être d’accord avec lui, mais replanter des haies est loin d’être suffisant, c’est le maillage des talus qu’il faut refaire, autrement dit recréer dans une certaine mesure compatible avec l’agriculture moderne le boccage. Jacques Lescoât déplore les décisions qui ont conduit aux risques d’inondations majeures en Bretagne. Les remembrements anciens, comme les plus récents, car ils n’ont jamais vraiment cessés, ont attaqués les espaces naturels par le haut et par le bas. « Lorsque les eaux qui déferlent en amont rencontrent les eaux qui remontent depuis l’aval à marée haute, la ville basse de Quimperlé (pour ne prendre que cet exemple mais qui vaut pour d’autres villes) se retrouve au milieu. Les inondations sont des phénomènes naturels. Ce qui l’est moins, c’est que les crues sont plus fréquentes et plus fortes ». Et c’est là que nous retrouvons les effets néfastes des remembrements successifs qui ont bouleversé les espaces ruraux depuis cinquante ans.

Il pose la question : « A qui la faute ? », réponse évidente, à l’homme, et il nous rappelle « le changement climatique, la hausse du niveau de la mer, la fréquence des tempêtes qui ont un impact à termes sur les crues » Autre rappel, « A partir des années 1960-1970 on a supprimé pas moins de 180 000 km de haies et de talus en Bretagne. Du coup, en cas de crue, l’eau arrive directement et brutalement dans les cours d’eau ». Et à ce stade, nous retrouvons le problème absurde d’avoir « rectifié » le tracé naturel des rivières, l’écoulement des eaux qui se faisait sur plusieurs heures, voire jours, déferle en quelques heures, voire minutes. Bien évidemment, les agriculteurs s’indignent d’être rendus responsables de ces situations. En fait, c’est toute la filière agricole qui est responsable, sans omettre les lobbies, les banques déjà citées et les politiques des technocrates européistes de Bruxelles. Soulignons seulement que l’agriculteur n’est pas obligé à titre personnel de transformer ses terres en désert. J’habite en pleine campagne morbihannaise, depuis trente cinq ans, je n’ai vu que des destructions de l’environnement boisé. L’agriculteur qui exploite autour de ma propriété possède cinq fermes, soit plus de cent hectares, il n’a jamais assez de terres, et dès qu’il entre en possession d’une nouvelle surface, il n’a rien de plus urgent que de raser les derniers talus, de cultiver les derniers mètres carrés de landes, et de transformer en cordes de bois les chênes restants, et pour ce faire, il s’est offert un bulldozer. Je dirais même que cet agriculteur et ses fils éprouvent une certaine jouissance à voir tomber des arbres, et en faisant gronder son engin destructeur, ses tronçonneuses. Il semble être comme envahi d’une puissance dont leur cerveau est privé. Monsieur Lescoât parlait de 180 000 km de talus arasés, il est en réalité en dessous du chiffre réel qui tourne autour de 350 000 km, chiffre énorme qui correspond à la distance de la terre à la lune (2). Chiffre avancé déjà dans les années soixante dix, alors que je travaillais dans le cadre du Parc d’Armorique, pour le ministère de l’environnement.

Aujourd’hui on replante, ici et là, quelques mètres ou kilomètres de haies, c’est bien, c’est mieux que rien, et sans doute la prise d’une conscience bien tardive. Mais, plus que des haies, ce sont de véritables talus qu’il faut reconstruire, et pas des « taupinières » pour entourages de parkings ou jardins. Nos ancêtres édifiaient leurs talus avec les matériaux, pierres et terre, prit dans les champs qu’ils voulaient protéger des vents, de l’érosion, et ils plantaient pour l’avenir. Or, aujourd’hui ces matériaux font défaut, car toutes ces pierres de talus ont servis à combler les ornières naturelles. Actuellement, à de rares exceptions, les « reconstitutions » de haies, de talus relèvent du gadget plus que d’une politique sérieuse de l’environnement.


Etalement urbain.

Nous avons, dans War-Raok, régulièrement abordé le problème du grignotage des espaces naturels, des terres agricoles par l’urbanisme et toutes ses infrastructures annexes. Jacques Lescoât pointe du doigt cette boulimie du bétonnage, consécutif à ce « point d’honneur » que se font les maires d’étendre toujours plus leur ville, leur bourg en y attirant de nouveaux habitants (de quelle « nature » ?…), des entreprises, d’où l’extension des « Parcs d’activités ». Dans ce sens, Ouest-France se fait régulièrement le porte-parole enthousiaste de ce nouveau genre de « concours ». Ainsi, dans son édition du 2 janvier, sa « Une » : «  Population : comment évolue votre commune ? ». Sur trois pleines  pages, avec tableaux à l’appui, nous pouvons nous rendre parfaitement compte de la « cannibalisation » des espaces urbains sur les espaces naturels (bois, forêts, landes, terres agricoles, zones humides), et il y a de quoi s’inquiéter, non seulement pour le devenir de l’environnement en général, mais aussi sur les conséquences « civilisationnelles » à terme. Nous apprenons que le Morbihan a gagné 32 000 habitants en cinq ans. A ce régime, en 2030, puisque cette date est emblématique de la Bretagne de demain, il est probable que notre pays sera transformé en vaste mégapole, où « survivra » une « nature-musée ». Jacques Lescoât écrit : « Nous avons transformé des milliers d’hectares d’espaces naturels ou agricoles en lotissements et en zones d’activités. Les champs désormais recouverts de béton, ne jouent plus leur rôle d’éponge en cas d’inondations ». Toutes ces surfaces bétonnisées, bitumées, sans parler des « forêts de toitures de tôles » des parcs d’activités, sont autant de « boulevards » pour les eaux de pluies qui peuvent ainsi déferler. Et de poser cette question : « Est-ce typiquement français cette consommation d’espaces ? Oui. Un Breton consomme dix fois plus d’espaces naturels qu’un Allemand et la France grignote tous les ans l’équivalent d’un département d’espaces agricoles ou naturels. C’est 700 km² de terres qui sont artificialisés chaque année. Notre pays a malheureusement des dizaines d’années de retard et un manque criant de culture en matière d’urbanisme et d’aménagement durable. Il faut revoir la politique agricole, replanter des haies et casser les reins à l’urbanisation étalée ». Nous sommes d’accord, mais malgré les beaux discours à usages électoraux des élus, qui ne sont que « bruits de bouches » et belles littératures dans les bulletins municipaux, rien ne changera vraiment. A cela, une raison très simple, les politiques de la ville et de « rénovation urbaine » des divers gouvernements, politiques démagogiques qui donnent toute leur place aux idéologies subversives, façon « droit du sol, droit au logement, accueil de l’autre, mixité sociale, etc… ». Qui obligent les maires à construire et multiplier les logements dit « sociaux », de 20 à 30 %, au détriment de l’environnement. L’accueil de « toute la misère du monde » se fait sur le dos de nos champs, de nos forêts, et transforme en sinistres zones des paysages où il faisait bon vivre. Nos élus veulent-ils vraiment que leur ville, leur bourg si tranquille, si propret ressemble demain à certaines « cités sensibles ?».

Il est d’ailleurs absurde de continuer à construire sans frein, quand on sait que le « Parc immobilier » des agences, des notaires est saturé de maisons à vendre, mais là encore, il faudrait revoir toutes les politiques de l’immobilier et des prêts des banques, car il est souvent plus facile, plus avantageux de faire bâtir que d’acheter du déjà construit.. Le très controversé projet d’aérodrome de Notre-Dame des Landes est typique de ce gaspillage de l’espace naturel, puisqu’il doit « dévorer » pas moins de 2000 hectares de terres agricoles, de bois et zones humides sensibles.

Nos paysages avec leurs forêts, leurs landes, leurs champs sont des paysages en sursis, et nous risquons fort de laisser en héritage à nos enfants, nos petits-enfants une Bretagne défigurée, non seulement dans son environnement naturel qui fait encore aujourd’hui son identité, mais aussi défigurée dans son substrat physique, culturel, spirituel, car, n’en déplaise, tout est lié, et si l’âme d’un peuple est « sculpté » par son environnement, porteur de sa propre culture qui se lit dans ses paysages, détruire cet environnement revient à détruire aussi l’âme de ce peuple. Les inondations ne sont qu’un épiphénomène en regard de bien d’autres « inondations » futures qui détruiront irréversiblement nos paysages, et lui en substitueront d’autres. Aujourd’hui, les « déferlantes » ne sont pas faites que d’eaux boueuses charriant la terre des champs, il en est d’autres qui déjà charrient les prémices d’un avenir qu’écrit pour nous le mondialisme niveleur… comme les bulldozers nivelant les talus. Nous ne nous étonnerons pas du silence des « écologistes » sur ce problème, le devenir de la nature ne les intéressent pas, quand ils ne sont pas dans la zizanie électorale, ils sont très occupés à planifier les vagues déferlantes d’outre-méditerranée susnommées qui, « droit au logement oblige » accentueront le bétonnage de nos espaces encore verts de champs et de forêts… 

 

YOUENN  CAOUISSIN

 

NOTES ET SOURCES :

  1. « La Bretagne qu’il faut sauver », de Yann  Brekilien, édition « Nature et Bretagne », 1972.
  2. On a estimé qu’une moyenne de 40 à 350 km de talus ont été détruits par commune (chiffre officiel). Sur ces kilomètres, très souvent seuls quelques mètres se sont trouvés soumis à l’examen des « Commissions de remembrements », écrit dans son livre précité. (Yann Brekilien).



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