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MOUEZH BREIZH, LA VOIX DE LA NATION BRETONNE

Histoire du peuple québécois : Autonomie, souveraineté, indépendance


Rédigé le Vendredi 17 Mai 2024 à 15:37 | Lu 9 commentaire(s)



in War Raok ! - n° 63 - Mars 2022

Au sein de l’empire colonial français, l’immensité de l’Amérique française représentait le plus important territoire en terme de superficie, les découvreurs et aventuriers français revendiquant les terres de l’Acadie jusqu’à la côte Ouest, sans oublier cette vallée de l’Ohio, parsemée de forts. Le malheur de cette colonie fut que la France ne s’y investit pas assez, préférant envoyer des missionnaires et des commerçants, plutôt que des colons pour s’y enraciner. La démographie étant la clef ; c’est ce qui explique comment lors de la Guerre de sept ans opposant colons américains et canadiens, puis leurs métropoles respectives, la Nouvelle-France ne pouvait que tomber. La France continua dans la bêtise, revendiquant son esprit boutiquier en préférant conserver les Antilles plutôt que le peuple pastoral dont elle avait accouché sur les berges du Saint-Laurent. Ainsi fut scellé, en 1763, par le funeste Traité de Paris, le sort des Canadiens, devenus sujets de la couronne britannique.

Dès lors pour le peuple français d’Amérique commença un repli stratégique, un attachement à la terre et un désintéressement des choses publiques. Suivant le bon sens des terriens, les Canadiens, comme on appelait exclusivement les Français du Nord, se contentèrent de vivre et survivre, conservant jalousement leur foi et leur langue sans se soucier des nouveaux maîtres du jour. A quoi bon se rebeller, la France n’avait-elle pas abandonné ses fils d’Amérique ? Il fallut attendre le 19e siècle pour qu’une élite économique, une petite bourgeoisie, émanasse des anciens colons de Nouvelle-France. On commença à voir des avocats, des notaires, des journalistes et des marchands qui maniaient mieux le verbe que la houe. Cette nouvelle classe sociale réalisa rapidement qu’elle était bloquée dans son expansion par la rigidité du système colonial dont ils étaient exclus. Misant sur le sens national, cette petite bourgeoisie commença à véhiculer des idées libérales qui menèrent aux révoltes de 1837 et 1838, durant lesquelles, tant des Anglais que des Canadiens, s’unirent pour tenter de défaire le lien colonial avec la Grande-Bretagne. Mené par Louis-Joseph Papineau, inspiré des idéaux de 1789, le soulèvement fut brutalement écrasé et mena l’Angleterre à passer l’Acte d’union, unissant ainsi le Haut et le Bas-Canada, (Ontario anglophone et Québec francophone), dans le but de mettre en minorité l’élément français.

Face à cette volonté assimilatrice énoncée par l’envoyé spécial britannique Lord Durham, Monseigneur Ignace Bourget, un ultramontain, articula la doctrine qui allait assurer la survivance du peuple canadien pour le siècle à venir : c’est autour de l’Église, institution française responsable de l’éducation, de la santé, mais surtout de l’âme, que se rallierait le peuple canadien. Politiquement, les défenseurs du peuple canadien prirent dès lors une posture relativement conservatrice axée sur préservation de nos droits et la défense de la langue et de la foi. La colonisation des terres encore vierges était encouragée et les familles nombreuses étaient la norme, ce qui donna lieu à la « revanche des berceaux » : malgré un poids politique minime et l’absence de nouveaux Français, le peuple canadien-français connut un essor incroyable, « le miracle canadien ». Entre la prise de possession anglaise de la Nouvelle-France en 1763 et l’année 1851, la population canadienne fut multipliée par 13 !

 En 1867 fut signé un pacte de confédération selon l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. En vertu de ce pacte, quatre provinces britanniques, soit l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, s’unissaient librement sous la tutelle de Londres pour former une confédération de provinces libres. On offrit de nombreuses garanties, notamment concernant le fait qu’il s’agissait d’un pacte entre deux peuples, une union biculturelle, et que chaque province conserverait ses prérogatives dans ses champs de compétences, alors bien définis. Contrairement à ce que clame Ottawa aujourd’hui, 1867 ne représentait pas la naissance d’une nation, mais l’union politique d’entités souveraines qui resteraient libres dans la mesure où il s’agissait toujours de colonies britanniques.

La Confédération eut comme effet immédiat de minoriser l’élément canadien-français (désormais le suffixe français devenait de mise pour qualifier les anciens Canadiens, spoliés de leur nom). Toutefois, les nationalistes de la fin du 19e siècle et même du début du 20e se portaient à la défense de la « race canadienne-française » au sein de la Confédération. Les Henri Bourassa, Armand Lavergne et Lionel Groulx, défendaient les droits politiques, civiques et religieux des leurs au sein de l’entité confédérative. Pour ces hommes, certes, le Québec était le foyer francophone, la province où nous étions majoritaires, mais le pays en entier était parsemé de communautés francophones dont il fallait défendre les droits. Cela ne pouvait donc que se faire au sein des institutions en place et l’idée même de partitionner la Confédération aurait pu être considérée comme un abandon des Canadiens français hors Québec.

Une seule voix discordante se fit entendre à cette époque, celle de Jules-Paul Tardivel, journaliste né aux États-Unis et ayant rallié le camp ultramontain. Trop conscient du danger mortel que représentait la minorisation du fait français, il se fit le défenseur de l’indépendance pure et simple. L’idée resta marginale, mais dans les années suivant la Première guerre mondiale, qui avait montré avec la crise de la conscription, tout comme la Guerre des Boers, que les peuples français et anglais du Canada restaient étrangers et séparés par un fossé irréconciliable, l’idée fut reprise par des jeunes idéalistes inspirés par ce qui se passait en Italie. Les frères Walter et Dostaler O’Leary, dirigeants des Jeunesses patriotes, et Paul Bouchard, rédacteur en chef de la Nation, ainsi que des étudiants de Jeune-Canada, commencèrent à promouvoir l’avènement d’un État catholique, français et corporatiste en Amérique.

Ces groupes disparurent avec la guerre, mais le grand conflit mondial eut des répercussions sur l’unité canadienne : une nouvelle crise de la conscription opposa Canada français et anglais, puis, le gouvernement fédéral profita du conflit pour étendre son action dans les champs de compétence des provinces avec notamment l’instauration d’un impôt sur le revenu et la mise sur pied d’une pension de vieillesse.

Le combat s’articula alors autour de l’autonomie provinciale. La défense du Canada français, d’un océan à l’autre était reléguée derrière la défense de l’autonomie provinciale. Pour Maurice Duplessis, premier ministre du Québec, le sort des Canadiens français de l’Alberta n’était pas aussi préoccupant que le fait qu’Ottawa commence à empiéter sur les prérogatives du Québec.

Reprenant le combat d’Alexandre Taschereau, de Lomer Gouin et d’Honoré Mercier pour le respect de l’autonomie au sein de la Confédération, le premier ministre s’allia donc à des chefs de province anglophones pour contrer la centralisation d’Ottawa qui a toujours su profiter des crises comme la Seconde guerre mondiale pour uniformiser et centraliser le pays avec des réformes sociales, comme la taxation. Robert Rumilly analysa dès les années 1940 que « la collaboration, dans les relations fédérales-provinciales, c’est la concession unilatérale et continuelle de la part des provinces ».

L’articulation d’un nationalisme autonomiste se fit autour de l’idée du Québec comme foyer national. Plus la province obtiendrait des droits, plus le peuple serait protégé de l’anglicisation. Cette position était celle soutenue par l’historien Robert Rumilly dans ses écrits notamment dans L’autonomie provinciale. Cette vision, on l’oublie souvent, participa à la cristallisation du combat nationaliste autour du territoire du Québec. La première organisation prônant l’indépendance à voir le jour après la guerre, l’Alliance laurentienne de Raymond Barbeau, fut la dernière à sortir de ce cadre territorial. Pour Barbeau, un nationaliste traditionaliste, le territoire de son État fantasmé était le Québec, mais aussi le Nouveau-Brunswick et le nord de l’Ontario. Si l’Alliance laurentienne demeura marginale, son idée fit du chemin et sera rapidement reprise, quoique dans sa version provinciale avec l’idée de souveraineté du Québec. L’un des premiers députés indépendantistes fut Albert Gervais, de l’Union nationale, le parti de Maurice Duplessis, qui déclara : « Si l’indépendance du Québec doit se faire, c’est l’Union nationale qui la fera. Je crois au nationalisme de Daniel Johnson et je suis d’accord sur son option séparatiste ». Dans les faits, l’idée de souveraineté, donc de la création d’un État indépendant qui conserverait des liens soutenus avec le reste du Canada, par exemple sur les questions monétaires et militaires, ou encore d’indépendance, donc de la création d’un État réellement libre et sans attache à Ottawa, trouva un terreau fertile au sein de la jeunesse bercée par les idées de mai 68. 


Naissance du Parti Québécois.

 

L’idée d’émancipation d’Ottawa se conjuguait avec un certain romantisme marxiste décolonisateur. Le peuple québécois était le prolétaire asservi par le bourgeois anglais. C’est cette vision que développèrent le Rassemblement pour l’indépendance nationale menée par Pierre Bourgault et les jeunes fondateurs du Front de libération du Québec (FLQ) inspirés par le révolutionnaire belge de passage au Québec George Schoeters. Les actions du FLQ marquèrent la décennie et culminèrent avec l’assassinat de Pierre Laporte en octobre 1970, alors que Pierre Eliot Trudeau, père de Justin Trudeau, dirigeait le Canada. Toutefois l’évènement qui marqua encore plus considérablement cette décennie fut la création du Parti québécois (PQ) en 1968 par d’anciens libéraux comme René Lévesque et d’anciens membres du Ralliement national tels René Jutras et Laurent Legault, plus conservateurs et marqués à droite. La fondation de ce parti dont l’article premier était la souveraineté du Québec intervint l’année suivant le passage fort médiatisé du général de Gaulle qui avait crié un tonitruant « Vive le Québec libre ! », un appel qui avait réveillé l’ardeur nationaliste d’un peuple endormi.

Tout comme le P.Q. était une coalition gauche-droite, avant d’opérer un glissement marqué vers la gauche, il réunissait souverainistes pour une alliance privilégiée et indépendantistes purs et durs qui étaient conscients qu’une telle option choquerait trop le peuple québécois bercé par un statu quo mortel à long terme, mais sans grand bouleversement. Le premier référendum sur la souveraineté en 1980 était d’ailleurs présenté de façon très consensuelle, la question posée à l’époque étant : Le gouvernement du Québec a fait connaître sa proposition d'en arriver, avec le reste du Canada, à une nouvelle entente fondée sur le principe de l'égalité des peuples ; cette entente permettrait au Québec d'acquérir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impôts et d'établir ses relations extérieures, ce qui est la souveraineté et, en même temps, de maintenir avec le Canada une association économique comportant l'utilisation de la même monnaie ; aucun changement de statut politique résultant de ces négociations ne sera réalisé sans l'accord de la population lors d'un autre référendum ; en conséquence, accordez-vous au gouvernement du Québec le mandat de négocier l'entente proposée entre le Québec et le Canada ?

La stratégie échoua : en tentant de ménager la chèvre et le chou, René Lévesque n’avait pas convaincu le peuple de l’urgence de la séparation. En 1995, les artisans du « oui » au second référendum furent moins prudents et firent une campagne plus indépendantiste que souverainiste, ce qui faillit se traduire en victoire : 49,4% pour la souveraineté contre 50,6% contre. En fait, comme les historiens le démontrèrent, si ce n’avait été de l’accélération du processus de naturalisation de nouveaux-venus et du dépassement illégal des dépenses par le camp fédéraliste, la victoire aurait été dans le camp dit séparatiste. Cette seconde défaite traumatisa durablement le Québec et plus particulièrement le mouvement souverainiste qui se prépara à une longue dormition avec comme objectif la préparation des « conditions gagnantes », hypothétique contexte qui permettrait une victoire souverainiste. La question de la souveraineté ayant été enterrée au profit de la bonne gouvernance, les indépendantistes au sein du parti n’hésitèrent pas à en sortir pour lancer d’éphémères et marginaux mouvements qui quoique les principaux intéressés puissent en dire avaient comme principal but de réveiller le P.Q. et de lui faire renouer avec son projet initial.

L’actuel premier ministrel, François Legault, a quant à lui renoué avec la position autonomiste de Maurice Duplessis, mais sans avoir son esprit combatif. Il n’hésite pas à défendre les prérogatives du Québec, mais n’a toujours pas entamé le moindre geste pour que la province reprenne le contrôle sur les champs de compétence lui étant légalement réservés. L’autonomisme, comme le conservatisme, part habituellement de la dernière défaite et se contente de tenir le plus longtemps possible sur la position défendue sans chercher à récupérer le terrain abandonné au round précédent.

Avec une approche plus identitaire que par le passé, inspiré notamment par le sociologue Mathieu Bock-Côté, le Parti québécois tente de renouer avec certains thèmes identitaires, ce qui n’est que conséquent, car la souveraineté n’a de sens que parce que les Québécois sont une nation différente, un peuple à part entière. L’idée indépendantiste n’est pas morte; on considère qu’environ le tiers des Québécois sont soit souverainistes, soit indépendantistes, mais les circonstances politiques influent sur cet appui. D’ailleurs, en 1995, avant le second référendum, les chiffres étaient relativement semblables. La présence d’un gouvernement centralisateur à Ottawa, comme celui de Justin Trudeau, favorise certainement un appui accru au projet d’État libre. Malheureusement, rien ne laisse supposer qu’un gouvernement indépendantiste soit en mesure d’être réélu, les Québécois ayant relégué le rêve de voler de leurs propres ailes au rang de préoccupations secondaires.

 

Rémy Tremblay

Journaliste québécois.




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