Menu
MOUEZH BREIZH, LA VOIX DE LA NATION BRETONNE

IN MEMORIAM : Aet eo an Tad Marsel Blanchard da Anaon


Rédigé le Vendredi 17 Mai 2024 à 15:48 | Lu 4 commentaire(s)



in War Raok ! - n° 64 - Septembre 2022

Décès de l’abbé Marcel Blanchard

Aet eo an Tad Blanchard d’an Anaon. L’abbé Marcel Blanchard, connu dans le monde bretonnant et bien au-delà est décédé dans sa 99e année et dans la 75e année de son sacerdoce.

Dans la soirée de ce dimanche 1er mai durant lequel se déroulait à Ste Anne d’Auray le Pèlerinage des bretonnants, l’abbé Blanchard, qui terminait ses jours dans la maison de retraite St Joachim à deux pas de la basilique,  a rendu son âme à Dieu. Nous tentons de brosser ici son portrait, même s’il manque certainement des éléments.


De Lanester à Quistinic

 

Originaire de Gourin, né en 1923, il a été ordonné prêtre en 1947 par Mgr Bellec, évêque de Vannes. Il fit son service militaire au 48ème régiment d’infanterie de Guingamp, où il rencontra des Bretons venus de toute la Bretagne, gallos et bretonnants de tous dialectes et où il forma son apostolat plein de gaieté.

Après le séminaire, il eut confirmation par des gars de partout en Basse-Bretagne que l’on pouvait aussi bien parler Français que Breton. Ce qui confirmait ses lectures de l’abbé Perrot et de Roparzh Hemon qu’il tint toujours en grande vénération.

Il a d’abord été nommé professeur au petit séminaire de Saint-Anne-d’Auray. En 1948, après un passage bref en tant qu’instituteur à Locmiquélic, il est nommé vicaire de Lanester à Notre-Dame-du-Pont.

L’abbé parla très peu de ses années passées à Locmiquélic comme vicaire-instituteur, qui furent pour lui des années d’un grand bonheur : nommé au coeur de ce que l’on appelait alors de manière idéalisée « la Terre sainte » : les paroisses entre Riantec, Locmiquélic, Port-Louis, Gâvres paroisse primitive de Riantec-Plouhinec, Nostang, Kervignac, Groix, peuples de paysans, d’ouvriers de chantiers navals et de marins de guerre, de commerce et de pêche, la Terre Sainte, quoiqu’éloignée de Babylone la Grande (comme était surnommée Lorient par les prêtres du pays gallo) faisait fleurir les vocations de prêtres, de frères, de missionnaires, de soeurs, de moines et moniales de tous ordres.


Un vicaire à la tête de la Kerlenn Pondi

 

Alors dispensé du ministère paroissial de par son statut de vicaire-instituteur, il approfondit ses connaissances en musiques et créa une saine émulation entre sa chorale de Locmiquélic et celle de Plouhinec dirigée par son ancien condisciple l’abbé Le Dorze qui avait eu l’adoubement du Bleun Brug. Deux visions différentes du chant breton qui l’ont fécondé jusqu’à nos jours, deux penn-kalet en pleine jeunesse en charge du chant de la jeunesse dans deux paroisses voisines où le clergé foisonnait alors. Dans tous les cas, ce fut un temps d’apprentissage intense pour l’abbé Blanchard qui bientôt relèvera d’autres défis pastoraux et musicaux. Et surtout le temps de faire sienne la langue bretonne qu’il trouva particulièrement délicieuse dans ce coin charnière du Haut et du Bas-Vannetais, lui qui pourtant était à long terme, sans traumatisme stupide ni inutile, partisan de l’unification progressive de l’orthographe et des dialectes. Et il ne mentait pas quand il disait être à la fois partisan de l’approche de Roparz Hémon, de l’abbé Perrot, de l’abbé P. Le Goff, de Roperh er Mason et de tant d’autres, tout en tant étant partisan d’un breton authentique d’inspiration populaire. En 1953, il est nommé vicaire à Pontivy. En plus de sa paroisse, il est chargé par l’évêque de la Kerlenn Pondi dont il devient le directeur. Les sonneurs actuels savent-ils ce qu’ils doivent à l’abbé Blanchard ? Sans aucun doute, puisque comme l’affirme la Kerlenn : « Lezel a ra d’ar rummadoú àr e lec’h disoc’h ur labour, don ha spis diar dañsoú ha tonioú ar vro (il laisse aux générations qui lui succèdent le résultat d’un travail extrêmement riche et précis) ».

Romain Sponnagel, ancien directeur de la Kerlenn et aujourd’hui chargé du Label Coop Breizh Musik, note que « non seulement la Kerlenn mais la musique populaire lui doivent de nombreuses évolutions comme le saut dans la Dañs Pourlet, le retour d’une nouvelle danse, les fest a gren, qu’il dénomma « Laridé-Gavotte » recréée à partir de quelques collectages, le premier bagad-cercle, le premier air ou l’un des premiers airs asymétriques en bagad en 1969 pour mieux correspondre à la monodie collectée, le lien direct de la tradition populaire à la scène qui est toujours un marqueur important de la Kerlenn Pondi et qui a permis de redorer notre culture « interdite » ou mise de coté à l’école et dans les médias français puis de renouer avec la langue bretonne à l’échelle du territoire, et enfin la popularisation bombarde et orgue avec le célèbre couple Jegat / Yhuel dont il fût l’inspirateur et aussi à la direction artistique ».

C’est enfin en 1971 qu’il est nommé recteur à Quistinic, paroisse d’où il fera rayonner la culture bretonne mais aussi cette alchimie alliant français, latin et breton, des offices où la liturgie était belle et enracinée, permettant à de nombreuses familles de cultiver leur attachement à l’expression en breton de la foi, familles qui s’investiront dans l’Église et dans le monde culturel breton, jusqu’à aujourd’hui.


Un curé de campagne exorciste

 

Il  aimait à se dire « curé de campagne », appréciant son état de vie, sa paroisse qu’il dirigeait au spirituel comme au temporel, ayant exigé avoir un statut de recteur comme avant Vatican II : il gérait les biens de la paroisse en direct, via une association ad hoc. Il a par ailleurs eu la charge d’exorciste du diocèse de Vannes pendant de très longues années. A une époque où le clergé rechignait à parler du diable, lui en parlait de manière très libre et décomplexée que ce soit en chaire comme à la télévision. Son premier contact d’exorciste ne manquait d’ailleurs pas de saveur : « Chère madame, avant de me téléphoner, avez-vous pensé à téléphoner à Jésus et à la sainte Vierge ? Comment fait-on M. l’abbé ? C’est très simple, il suffit de dire son chapelet, de se confesser et d’aller à la messe. Si le démon continue à vous embêter après cela, rappelez-moi ».


De « Mater Ecclesiae » à « Fidélité Catholique » en passant par Kristenion Breizh

 

L’abbé Marcel Blanchard sera aussi cheville ouvrière, avec l’abbé Joachim Le Palud recteur de Kervignac et aumônier de ce qu’il restait du Bleun Brug Bro Guéned et des laïcs, de Kristenion Breizh, mouvement chrétien breton dont les réunions se poursuivront jusqu’en 1993. Une publication baptisée Bleun Brug Bro Guéned – Kristenion Breizh sera alors éditée. Il accompagnera beaucoup de jeunes sur les chemins du sacerdoce et de la vie religieuse.

Ces deux prêtres seront aussi derrière une publication qui « se voulait être, contre vents et marées, un flambeau de la Fidélité Catholique d’un groupe de catholiques du diocèse de Vannes… ». Cette lettre mensuelle (à laquelle nous avions consacré un article) visait à expliquer le positionnement de l’Église au regard des textes du magistère avec cette herméneutique de continuité qui sera rappelée plus tard par le Pape Benoît XVI. Cette lettre, publiée d’abord sous le nom de « Mater Ecclesiae » puis sous le nom de « Fidélité Catholique », fera grand bruit dans le Landerneau ecclésial. Car presque tous les prêtres du Diocèse de Vannes la recevront, certains y éprouvant un certain intérêt et d’autres contribuant à son classement vertical automatique. En tous les cas, aucun n’y sera insensible : soit on était pour, soit on était contre.


Le militant breton

 

L’abbé Blanchard fut à l’origine du mouvement « Beleion Breizh » qui avait rassemblé plus de 100 signatures de prêtres pour la libération des trois prêtres emprisonnés à l’occasion du premier Front de Libération de la Bretagne. Il fut aussi, nous l’avons dit plus haut, l’animateur de l’association « Kristenion Breizh » avec Paol Kalvez et Youenn Olier. Il célébrera très longtemps, autant qu’il le pût, la messe à la mémoire de l’abbé Perrot et des militants de la cause bretonne à Koad Kev le lundi de Pâques. Il avait réussi à apprendre suffisamment de breton vannetais pour prêcher et en breton standard aussi.


Spécialiste de la musique bretonne

À Pontivy, il a développé la musique et la danse bretonne. « Mon esprit fureteur et chercheur m’a fait découvrir les grandeurs de la musique et de la danse bretonne. Celles-ci m’ont émerveillé. Je suis devenu un spécialiste en les étudiant et en les développant. Mon but étant de les partager avec les autres », explique l’abbé Blanchard qui a largement participé au succès de la Kerlenn Pondi. Une anecdote : pour inaugurer une de ses nouvelles chorégraphies du laridé-gavotte, il enlevait sa soutane sur scène et était vêtu en-dessous du costume « moutons-blancs » de Pontivy. À la même période, le bagad Sant-Ewan de Bubry l’a aussi sollicité pour lancer son groupe. Il accompagna aussi de ses conseils le groupe des Kistinidiz ou encore le couple bombarde / orgue formé par Jean-Claude Jégat et Louis Ihuel. Peu d’écrits du recteur breton, aujourd’hui décédé, sont accessibles à ce jour au grand public, mais il a pourtant énormément œuvré dans le domaine culturel et spirituel breton. Malgré nos demandes, il n’aura pas reçu le Collier de l’Hermine qu’il aurait amplement mérité, mais beaucoup connaissent l’héritage qu’ils doivent au recteur. C’est pourquoi Ar Gedour avait mis en ligne une série d’interviews sonores de l’abbé Blanchard que vous pouvez retrouver sur le site.


Beauté de la messe

En quarante ans sur la paroisse, l’Abbé Blanchard s’est attelé à apporter une beauté exceptionnelle à ses célébrations, de la liturgie elle-même à tout ce qui peut l’entourer. Dans ce but, il a formé lui-même de nombreux organistes mais aussi la chorale qui accompagne la messe en polyphonie. Tout cela en breton, français et latin, un équilibre linguistique dans lequel beaucoup se retrouvaient. « La fusion des voix est la base », ajoute-t-il en connaisseur. Cette attention à la beauté de la liturgie en touchera plus d’un.

Connaissant depuis l’enfance une bonne partie des Gedourion ar Mintin (groupe d’évangélisation par la culture bretonne et l’adoration eucharistique créé en 2000), et connaissant même certains de leurs parents depuis longtemps, il en a accompagné dans leur vie de foi, dès le baptême. Il est lui aussi, mine de rien, à l’origine de ce qui rassemble les Gedourion… et du site Ar Gedour. C’est donc avec joie que nous pouvons ici lui rendre hommage pour tout ce qu’il a apporté au niveau de la liturgie et de la Foi pour l’Église en Bretagne. Quistinic, ce petit patelin perdu, est devenu ainsi un exemple de ce que peut être l’Église ancrée dans la culture locale, et sur l’implication que chaque Breton peut avoir dans la vie spirituelle et culturelle du pays. Prions pour que son travail puisse perdurer et au-delà, montrer le chemin à d’autres paroisses.

 

Evit ho puhez, trugarez vraz deoc’h Aotrou Blanchard !

 




Dans la même rubrique :
< >

Jeudi 29 Août 2024 - 08:43 Sonerezh hag hengounioù pobl e Breizh

Jeudi 29 Août 2024 - 08:38 La bataille de Trans-la-forêt



War Raok n° 70 - Été 2024


Éditorial


29/08/2024

Souscription permanente

Souscription permanente !

War Raok est une revue bretonne moderne libre et indépendante. 
War Raok affiche fièrement une attitude dissidente indispensable à l’éveil du peuple breton et à la renaissance d’une identité forte. 
War Raok
 c’est un véritable outil de démocratisation et de libération des esprits du formatage de l’idéologie unique.
War Raok c’est l’émancipation des intelligences, la voix d’une nouvelle résistance… le porte-drapeau de la nation bretonne.

Voilà le choix de la revue. Mais ce choix de l’indépendance, notamment financière, face au blocus de la presse aux ordres et de la police de la pensée, n’est pas sans conséquence. Sans moyens financiers, autre que la démarche militante des abonnés, le combat est inégal. Aussi, afin d’assurer une publication régulière et de qualité, l’ouverture d’une souscription permanente est le meilleur moyen de conforter la pérennité de notre existence.
Merci d’avance, Bretons et amis de la Bretagne, pour votre soutien.

 

Par courrier : WarRaok
50 bis avenue du Maréchal Leclerc
Appartement 203
35310 MORDELLES.


WR
24/04/2024

Facebook



Partager ce site
Facebook
Twitter
Mobile
Rss