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MOUEZH BREIZH, LA VOIX DE LA NATION BRETONNE

La bataille de Trans-la-forêt


Rédigé le Jeudi 29 Août 2024 à 08:38 | Lu 71 commentaire(s)


Alain Barbetorte rend sa souveraineté à la Bretagne


in War Raok ! - n° 70 - Août 2024

Après une héroïque campagne et le désastre de l’invasion viking, Nantes et la Bretagne se reconstruisent. Les Normands, ayant fui la lance d'Alain Barbetorte, s'établissent à l'extrémité Nord-Ouest du comté de Rennes, à 7 kilomètres du Couesnon qui n'est rien d'autre que la frontière séparant la Bretagne du duché de la Normandie. Ce territoire vallonné, coupé de petits ruisseaux et couvert d'une épaisse forêt est propice à la défense.
Pendant toute l'année 938, les Normands s'y terrent, occupés d'abord à y construire un camp retranché plus formidable encore que celui de Nantes. Dans ce camp, ici, dans le Plou de Trans, à l'abri des arbres, ils réunissent une armée nombreuse et aguerrie.
En 939, fin prêts, ils se jettent avec furie sur le comté de Rennes. Juhel Béranger leur oppose une farouche résistance mais ne peut seul s'en défaire. Il demande l'aide des seigneurs des comtés voisins, celui de Nantes, Alain Barbetorte et celui du Maine, Hugues le Grand. Tout deux répondent favorablement à son appel. 
Nous sommes à la fin de juillet 939, les armées de Juhel Béranger, environ 500 hommes, d'Alain Barbetorte, 1000 hommes pour l'essentiel cavaliers, et d'Hugues le Grand (nombre inconnu) établissent leurs campements aux Haies, en contrebas du camp du vieux M'na où sont retranchés les Normands. Aujourd'hui encore subsistent les traces de deux camps fortifiés aux environs de l'étang de Ruffien. Ils n'ont, pour l'heure, pas fait l'objet de fouilles et renferment, sans doute, de nombreux trésors archéologiques.
Afin de dissimuler ses mouvements, Alain fait élever une seconde enceinte. Pour marquer ce jour au fer rouge, il décide de lancer l'attaque le 1er août, jour des Lughnasad. Lugh étant le Dieu primordial Celte, Roi des Dieux, qui conduisit les armées qui avait libéré les Tuatha Dé Danann du joug des Fomoires. 
Pour s'attirer les grâces des anciens Dieux de son peuple ? Ou bien, en mémoire de la victoire de son grand-père contre ces mêmes Normands à Questembert en 890 ? Ainsi, ce jour devient le jour de l'indépendance et celui de la fête nationale des Bretons pour les siècles à venir comme le décrit Pierre Baud : 
« Au jour des Kalendes du mois d'août, jour que les Bretons décrétèrent être solennisés par la gent de Bretagne, par toutes les générations, car, de là et après, commença derechef la Bretagne à être habitée par ses natifs et Bretons et user des lois de leurs aïeux ».
L'attaque est lancée des trois côtés en même temps et la forteresse est rapidement mise à sac, le peu de survivants normands traversent le Couesnon et vont se réfugier chez leur cousin.
Bien sûr, ces derniers continueront ça et là à poser soucis, mais n'ayant plus en Bretagne de base établie, et  en possédant une bien en place en Normandie et tout au long des côtes, leur permettant le contrôle d'une partie du commerce entre la Méditerranée, l’Atlantique et la Manche, ils se feront beaucoup plus discrets. 
En 942, Alain Barbetorte et Guillaume duc des Aquitains nouent une étroite alliance avec Guillaume Tête d'Étoupe, duc d’Aquitaine, qui leur permet d’obtenir au sud de la Loire les pagi de Mauges, Tiffauges et Herbauges.
La même année, tous deux s'inquiètent de voir des Normands entrer dans le parti de Louis d’Outremer et viennent le trouver à Rouen. Alain lui prête serment de fidélité, renonce au Cotentin et l'Avranchin, en contrepartie, Louis reconnaît que la Bretagne n'avait jamais fait partie de son royaume.
En 944, Juhel Bérenger de Rennes se querelle avec Alain, les Normands saisissent l'occasion pour piller de nouveau la Bretagne. Les erreurs du passé ont été retenues, ainsi la réconciliation intervient rapidement et les Scandinaves aussitôt renvoyés chez eux. 
Dans le seul acte authentique du règne d'Alain, qui énumère les nombreuses donations faites à l'abbaye, dont les paroisses de Batz et du Croisic avec les salines, un monastère Saint-Médard et les églises Saint-Cyr et Sainte-Croix de Nantes, on voit le comte Iudhael signer juste après Alain dux Britonum, entouré de Jutohen l’archevêque de Dol, des évêques Hesdren de Nantes, Blendivet de Vannes et Salvator d’Aleth, d’un Houuel comes et d'un Vuerec (sans doute ses fils illégitimes), et enfin des vicecomes comme Iestin, ancêtre des sires de Retz et Diles (de Cornouaille) ou Moyse, décrit comme étant « très vertueux, orné de mœurs (glorieux), né d'une lignée de personnalités royales et d'ancêtres illustres » (« quidam vir indolis, moribus ornatus, stemate regalium ortus, ...stemate regalium ortus,... tradidit de sua propria hereditate sancto »).
Cet acte, datant de 945, nous montre que la querelle a vite été enterrée et que la position d'Alain n'est pas contestée même par l'un des seigneurs les plus puissants de Bretagne.
En 948, Alain Barbetorte épouse à Blois, une sœur de Thibaud Ier de Blois, preuve qu'Alain souhaitait conforter la paix et son rôle dans la politique du royaume de Francie occidentale par des alliances diplomatiques.
De cette union, va naître un enfant en 950, Drogon de Nantes, appelé également Dreu, Duc de Bretagne et comte de Nantes. Les deux fils d'Alain, nés de son union avec Judith, sont assez âgés pour souscrire un acte avec lui vers 945, mais doivent s'effacer devant leur demi-frère Drogon.
En 952, Alan meurt des suites d'une maladie, il a peine 40 ans. Drogon devient alors Duc. N'ayant que 2 ans, sa tutelle est assurée par son oncle, Thibaud Ier de Blois, qui remarie très vite sa sœur avec le comte Foulque II d'Anjou.
 
La maison de Nantes perd le duché au profit de la maison de Rennes.
 
Le pouvoir sur la Bretagne est alors partagé : Foulque reçoit le comté de Nantes et la garde du jeune duc, Thibaut conservant la suzeraineté sur le nord de la Bretagne.
En 958 le jeune Drogon meurt, sa disparition brutale laisse à penser que Foulque II l'aurait empoisonné pour s'emparer du duché. Malgré certains méfaits qui lui sont attribués, il laisse le souvenir d'un prince cultivé, poète et artiste. Toutefois, à sa mort les Bretons se tournent vers Hoël, premier fils illégitime d'Alain.
Le deuxième fils se dirige vers les ordres, en 981 à la mort de l’évêque Gaultier Ier, Hoël le fait élire à l’évêché de Nantes. Ce dernier part pour Tours obtenir sa consécration de l’archevêque de cette ville. 
Cette même année, alors que Guérech voyage vers Tours, un certain Galuron assassine Hoël sur l’ordre de Conan.
Sitôt prévenu, Guérech abandonne sa future charge d’évêque de Nantes avant sa consécration, et se fait reconnaître comte par les Nantais et devient Duc de Bretagne jusqu'à sa mort en 988. Son fils Alain III, qui a alors 7 ans, prend le relais mais meurt à son tour de maladie deux ans plus tard.
Sans successeur, sa disparition permet au fils de Juhel Beranger, Conan le Tort, comte de Rennes, d'occuper Nantes où il construit le château du Bouffay, de confier le gouvernement de la cité à son allié l'évêque Orscand de Vannes et de se proclamer duc de Bretagne. La maison de Nantes perd le duché au profit de la maison de Rennes.
Le nouveau comte d'Anjou, Foulques Nerra, s’inquiétant de son ascension politique, se proclame le défenseur des intérêts de la maison de Nantes et lui livre combat le 27 juin 992 à Conquereuil.
Malgré 30 ans de présence et de domination, il n’y a rien dans l’organisation sociale et économique de la Bretagne postérieure à 939 qui soit dû aux Normands. Quelques noms de lieux d’origine scandinave perdurent en Bretagne, tout particulièrement sur le littoral. Toutefois, l’intermède normand n'est pas qu'une parenthèse et fut une coupure irrémédiable dans l’histoire de la Bretagne.  
Si les principales communautés ecclésiastiques reprennent aussi vite qu’elles le peuvent le chemin de la péninsule, elles reviennent les mains quasi vides. La mémoire de la Bretagne est presque anéantie.
L’histoire de ses premiers siècles d’existence ne peut plus s’écrire, pour ainsi dire, qu’à partir des écrits de ses ennemis. Des chroniqueurs gallo-romains et francs, de Grégoire de Tours à Ermold le Noir. Des Chroniques d’Angoulême aux lettres de l'Abbé Loup de Ferrière.
Ruinée, dépourvue de ses richesses culturelles et de son patrimoine spirituel, la Bretagne libérée a perdu le dynamisme qui caractérisait le royaume de Nominoë et de ses successeurs.
Et pourtant, quelle grandeur dans son passé ! Raconté par les ennemis, et son futur construit par les Bretons. 
Car en effet, en achevant la libération de la Bretagne en ce 1er août 939, Alan permis la réintégration des Bretons en leur pays. 
En apposant le sceau de la résurrection territoriale et nationale de la Bretagne cette victoire ferme l'ère des « origines Bretonnes ». 
 
Alain Barbetorte sera le premier souverain européen à abolir le servage et faire de Nantes la capitale politique du Duché de Bretagne.
 
Jusqu'ici, pendant 5 siècles, l'établissement des Bretons en Armorique et leur indépendance étaient sans cesse contestées par les Mérovingiens, les Carolingiens, les Normands... Obligeant sans relâche les Bretons au combat, à montrer une ténacité et une obstination incroyable à demeurer libre et maître de cette terre après chaque défaite et chaque remise en question de leur identité nationale. 
Désormais, cet établissement national ne sera plus contesté. Il subira des changements, dans sa forme, ses frontières, ses institutions, comme toutes nations, mais pour les six prochains siècles, les Bretons jouiront d'une existence nationale incontestée et indépendante. 
Cette autorité prend une forme et un titre nouveau avec Alain Barbetorte, Nominoë, et Alan Meur n’avaient reconnu au-dessus d’eux aucun suzerain. Erispoë et Salomon s’étaient avoués les fidèles de Charles le Chauve, non pour la Bretagne proprement dite mais pour les provinces de la Marche franco-bretonne dont Charles les avaient gratifiés. 
Sous Alain Barbetorte, la Bretagne construite par Nominoë devient un véritable État indépendant qui restera entier jusqu’à l’édit d’union (Traité) de la Bretagne à la France en 1532, une « union » non librement consentie démontrant l’invalidité juridique de ce fameux traité.
Alain Barbetorte est parvenu à se hisser à la hauteur de son parrain, tous deux héritiers d'un grand père qualifié de grand, qui avait pour rêve d'unifier leur peuple. Il a comme lui assuré l'unité et la pérennité de son pays en remportant une guerre décisive face aux Normands.
L'histoire l'a surnommé Barbe-Torte, la tradition orale le surnommera, en breton, Alan al Louarn, le renard, et sa gloire chantée depuis 1000 ans, et pour 1000 ans encore, est recueillie pour l'éternité notamment dans le barzaz Breiz. Une précision, et non des moindres, Alain Barbetorte sera le premier souverain européen à abolir le servage et faire de Nantes la capitale politique du Duché de Bretagne.
 
Blywenn Karrour
 
Bibliographie :
  • Histoire de Bretagne tome 2 par Arthur Le Moyne de La Borderie.
  • Chronique de Flodoard « la terre des Bretons située sur le bord de la mer ».
  • Cartulaire de Landévennec.
  • La chronique de Nantes.
  • Les royaumes brittoniques au très haut Moyen âge : Bretagne insulaire et armoricaine / Christian Y. M. Kerboul.
  • Annales de Bretagne Tome XV
  • La Bretagne Féodale, XIe-XIIIe siècle par Chedeville André et Tonnerre Noël-Yves
  • Mémoires pour servir de preuves à l'histoire ecclésiastique et civile de Bretagne. Tome 3 par Morice, Pierre-Hyacinthe (1693-1750).
  • Chronicon Briocense (Chronique de Saint Brieuc).
  • Les Mabinogion/Kulhwch et Olwen (la probable origine du surnom d'Alan).
  • Barzaz Breiz
  • Alain le Grand, libérateur de la Bretagne, 890-907 : son millénaire à Questembert, 20-21 avril 1907.



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War Raok n° 70 - Été 2024


Éditorial


29/08/2024

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24/04/2024

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