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La très ancienne coutume de Bretagne


Rédigé le Vendredi 17 Mai 2024 à 10:29 | Lu 6 commentaire(s)



in War Raok ! - n° 57 - Avril 2020

La très ancienne coutume de Bretagne
L’histoire de la Bretagne renferme une somme unique d’éléments susceptibles d’orner l’esprit et de former le jugement : la très ancienne coutume de Bretagne en fait partie.

Épris de liberté, le peuple breton a montré dans le passé une vitalité, une fécondité surprenante. Quels services cette ethnie intrépide, aussi tenace qu’entreprenante, n’a-t-elle pas rendus à toutes les époques de son histoire. Après des longs siècles d’indépendance, puis d’autonomie, pour devenir, à la Révolution française, simple province privée de toute liberté, le peuple breton a néanmoins toujours refusé de se laisser pénétrer par le virus de la désagrégation matérialiste que l’État français a voulu lui inoculer. Ce petit peuple celte, fier et osbtiné, a toujours réagi énergiquement et montré sa ferme volonté de ne pas se laisser enfermer dans les mailles d’un filet aussi perfidement tissé que sournoisement imposé. 

Il en est qui ont sonné le glas de la nation bretonne ; ils se sont lourdement trompés ! 

 

Les lois reflètent les aspirations et les besoins d’un peuple, puisqu’elles sont la règle de la vie. Lorsque les lois s’établissent par coutume et non par décrets ou votes comme dans la société moderne, on peut y chercher le résumé fidèle des idées et des croyances d’un peuple et mesurer le niveau moral d’une nation, car « ce n’est jamais en vain qu’on lie la volonté humaine par un texte écrit : bon ou mauvais, il possède une force qui entraîne les mœurs. La très ancienne coutume de Bretagne apporte comme un écho de la voix de toutes les générations qui ont constitué la Bretagne. Elle est sortie des institutions nées ou reçues dans le pays avant le XIVème siècle, elle a dirigé comme texte écrit le droit breton pendant deux siècles et son influence s’est prolongée jusqu’à la Révolution française ». 

Avant elle on trouve dans les chartes bretonnes de nombreuses références aux usages et coutumes de Bretagne et cela dans les régions les plus diverses. Mais ces coutumes n’étaient que des usages traditionnels que l’on vivait chaque jour. Elles n’étaient pas écrites.

La très ancienne coutume de Bretagne ou recueil des institutions du pays fut rédigée, sans doute entre 1312 et 1325, par trois jurisconsultes : Copu le Sage, Mahé le Léal et Tréal le Fier.

 Caractère moral de la très ancienne coutume. On s’accorde à reconnaître à la très ancienne coutume non seulement un grand mérite à la fois technique et littéraire, mais une valeur morale exceptionnelle grâce à l’esprit chrétien qui l’anime. On a pu dire d’elle qu’elle était un catéchisme, un livre de morale en même temps qu’un traité de droit. C’est par là qu’elle se classe bien au-dessus des autres coutumiers de l’époque.

Comment et pourquoi fut rédigée la très ancienne coutume. Les rédacteurs de la très ancienne coutume disent avec beaucoup de modestie qu’ils sont loin d’avoir composé un ouvrage parfait, mais qu’ils ont cru répondre à une nécessité afin que l’on puisse retirer profit de leur travail et apprendre à mieux faire, car de bien faire vient tout bien. « Nous voulons, ajoutent-ils, que les discussions soient ôtées, les querelles abrégées, que chacun ait son droit, que la paix soit faite entre les gens au temps à venir ».

L’esprit de la très ancienne coutume. « Les commandements de droits sont tels : vivre honnêtement, n’offenser personne. Celui qui veut vivre honnêtement, pour avoir l’amour de dieu et du monde, doit avoir en soi et en user : vérité, loyauté, patience et humilité »… La très ancienne coutume fait bien la séparation des deux justices : celle de l’Église et celle du bras séculier.

« Nulle justice ne doit être envieuse sur l’autre, ni nul séculier troubler la justice de la sainte Église, aux cas qui doivent appartenir à l’Église. Tous doivent lui obéir. Et tous aussi nous disons que justice de l’Église ne doit s’entremettre des choses qui appartiennent à la cour séculière et qui ne seraient établies de droit à la sainte Église ».

L’idée de la vengeance est totalement absente de la très ancienne coutume. On y reconnaît que le mal doit être puni en tant que mal, la peine proportionnée au crime. Deux raisons préoccupent les rédacteurs de la très ancienne coutume, d’abord effrayer par la vue du châtiment les mauvaises gens : « Traîtres et meurtriers doivent être traînés des lieux où ils sont jugés jusqu’aux lieux où ils doivent être pendus ». C’est la justice punitive pour donner un exemple à ceux qui seraient tentés de faire les mêmes crimes. La seconde raison est celle-ci : protéger les bons, les séparer des méchants pour empêcher que ceux-ci ne les oppriment ou ne les corrompent. La coutume ne connaissait pas les droits de l’homme, mais elle était humaine, n’ayant qu’un seul but : « Mettre la paix entre les gens et essayer de les amender lorsqu’ils s’engagent dans la mauvaise voie ».

 

Le caractère social  de la très ancienne coutume

 

La coutume ne supprimait pas les classes sociales, mais plaçait à la base de la hiérarchie le respect, la solidarité ou pour mieux dire, la charité. Cette charité descend de dieu, père commun des hommes ; mais ceux-ci doivent s’aider et se porter un mutuel concours et, proportionnellement au rang qu’ils occupent ou aux avantages qu’ils retirent de la société, concourir au bien général.

Cette solidarité basée sur la charité chrétienne engendre des devoirs. Quelqu’un veut-il bâtir une maison, ses voisins sont tenus de l’aider à faire les charrois pour transporter les matériaux nécessaires à la construction. Toutes les fois que quelqu’un est menacé d’éprouver un dommage, soit dans son corps, soit dans ses biens, et qu’il réclame de l’aide, on est tenu de la fournir gratuitement, en principe et par charité. Cependant si un salaire est réclamé, il sera fixé d’après « l’avis de justice ou des prudents ». Un incendie se déclare, le feu poussé par la force du vent va détruire tout un village, il est nécessaire d’abattre les maisons voisines pour éviter un plus grand malheur, mais ce sacrifice consenti dans l’intérêt général ne retombera pas tout entier sur celui qui l’a supporté. Tous ceux dont les biens ont été protégés lui devront une indemnité proportionnelle au dire des hommes les plus honnêtes et les plus experts de la localité ; toujours sous l’empire de cette idée qu’il faut éviter autant que possible les ruines particulières qui diminuent d’autant la richesse de la société.

 

L’influence de Saint Yves sur la rédaction de la très ancienne coutume en Bretagne

 

« On a mis en relief depuis quelques années le caractère de haute moralité de la coutume. Un souffle mystique semble avoir passé sur cet ouvrage de droit. Les monuments législatifs composés en France aux XI ème, XIIème et XIVèmes siècle n’ont pas ce caractère élevé. Aussi l’esprit est-il obsédé par cette coïncidence que la coutume de Bretagne fut rédigée au moment où Saint Yves venant de mourir, la renommée de ses vertus se répandait bien au-delà de la Bretagne. Sans doute, aucune preuve précise, mais comment douter de cette influence en y lisant une maxime telle que celle-ci qui résume la pensée de Saint Yves en matière de justice : « Justice fut établie pour charité, amender les mauvaise voies et soutenir les pauvres ménagères pour l’amour de dieu ».

« La très ancienne coutume ne tarda pas d’acquérir une grande autorité. Bientôt on oublia son caractère de recueil privé et l’on y vit l’expression authentique de la coutume bretonne. Au XVème siècle, les ducs s’y référeront dans leurs ordonnances comme s’il s’agissait d’un texte officiel ».

 

Jelvestr Le Cloarec.

 

Sources :

  • Histoire de Bretagne de l’abbé H. Poisson. Quatrième édition décembre 1965.
  • Citations : Mrs. Du Cleuziou et De Saint-Sauveur.  
  • Lire également le riche livre de Marcel Planiol « La très ancienne coutume de Bretagne ».  



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