in War Raok ! - n° 69 - Avril 2024
Le corbeau occupe une place importante dans la mythologie celtique. Il est associé à la guerre et aux champs de bataille sous les représentations de Badbh et Morrighan. D'autres mythes celtiques rapportent que le corbeau était associé au dieu gallois Brân le Béni, frère de Branwen.
Médiateur entre la vie et la mort
Il est représenté comme un géant, et les récits des Mabinogion font de lui le roi des Bretons. Il est également décrit comme le dieu de la poésie et de la musique mais aussi de la prophétie, ce qui l’associe aux corbeaux. Ces derniers étaient en effet considérés comme des messagers entre le monde des vivants et celui des esprits. Son surnom « le Béni » est un attribut chrétien tardif.
Selon ces récits, la tête de Brân fut enterrée sur la colline blanche de Londres comme talisman contre les invasions. Plusieurs autres héros de la mythologie celtique galloise partagent son nom.
Durant le premier millénaire de l'ère chrétienne, le corbeau est également pour les peuples nordiques et celtiques un animal psychopompe, c'est-à-dire capable de guider les âmes des défunts vers le paradis ou l'enfer. Une tradition répandue explique ainsi qu'un corbeau se posant sur l'épaule droite d'un mort le guidera vers le paradis, et vers l'enfer s'il se pose sur l'épaule gauche.
Selon ces récits, la tête de Brân fut enterrée sur la colline blanche de Londres comme talisman contre les invasions. Plusieurs autres héros de la mythologie celtique galloise partagent son nom.
Durant le premier millénaire de l'ère chrétienne, le corbeau est également pour les peuples nordiques et celtiques un animal psychopompe, c'est-à-dire capable de guider les âmes des défunts vers le paradis ou l'enfer. Une tradition répandue explique ainsi qu'un corbeau se posant sur l'épaule droite d'un mort le guidera vers le paradis, et vers l'enfer s'il se pose sur l'épaule gauche.
Le corbeau divin des Celtes
Corneilles et corbeaux avaient la même importance pour les premiers Celtes que pour les Vikings. Lugh, ou Lug, dont le nom signifie « celui qui brille » était le dieu celte de la Lumière. Son nom ressemble au gaulois Lugos, qui peut signifier « corbeau ». Lugh pourrait avoir été, comme Odin, un dieu aux corbeaux, car il a aussi partagé avec Odin les arts de la guerre et de la sorcellerie. Dans Le Livre des conquêtes (XIIe siècle) qui consigne les traditions légendaires irlandaises, des corbeaux préviennent Lugh de l’approche de ses ennemis. Ce dieu guerrier était aussi vénéré en Gaule. Le nom gallo-romain de la ville de Lyon, Lugdunum, signifie « colline des corbeaux », ainsi appelée parce qu’un vol de corbeaux montra aux premiers colons l’endroit où s’installer.
L’imagerie celte des corbeaux et des corneilles est plus chthonienne que solaire. De nombreux corbeaux ont été trouvés enterrés dans des tombes celtes datant de l’âge du fer, et l’un d’eux, trouvé à Winklebury (Wiltshire), en Angleterre, était disposé avec les ailes étendues au fond d’une fosse, peut-être objet d’un sacrifice. Les corvidés étaient associés avec les déesses guerrières Bodbh et Morrighan : chacune avait le pouvoir de prendre une forme triple, et leur apparence avant et pendant le combat en prédisait l’issue. Dans la saga irlandaise La Mort de Cuchulainn, le héros rencontre trois corneilles qui viennent se poser sur son épaule, sans doute une manifestation de Bodbh, en route vers la bataille. Elles l’amènent par ruse à violer un tabou en mangeant la chair d’un chien : peu après, Cuchulainn, mortellement blessé, s’attache à une pierre levée afin de mourir debout. Ses ennemis l’observent de loin, se gardant de l’approcher, jusqu’à ce qu’une corneille, Bodbh elle-même, se pose sur son épaule.
Les histoires galloises des Mabinogion sont à peine plus proches du monde de la chevalerie. Dans « Le Songe de Rhonabwy », les chefs Arthur et Owein s’affrontent dans un jeu assez semblable aux échecs, tandis que leur entourage est en pleine bataille. Arthur est accompagné de ses chevaliers, mais les compagnons d’Owein sont des corbeaux enchantés capables de se relever de leurs blessures et même de la mort. Les corbeaux sont sur le point de vaincre les hommes d’Arthur, quand les deux chefs mettent fin à leur confrontation et déclarent la paix.
Dans l’histoire de « Branwen, fille de Llyr », le héros est le géant Brân, dont le nom, en gallois, signifie corneille ou corbeau. Sa sœur Branwen (corneille blanche) a épousé un chef de clan irlandais, mais elle a été violée par son mari. Elle envoie un étourneau à travers la mer pour avertir son frère de son déshonneur, et les armées de Brân envahissent bientôt l’Irlande. Après une terrible bataille, Brân et ses hommes massacrent les Irlandais, n’épargnant que cinq femmes enceintes réfugiées dans une grotte. Brân lui même est mortellement blessé, et seulement six de ses guerriers survivent. Sur l’ordre du géant, ses propres hommes lui coupent la tête, qui continue à parler, et la ramènent à Londres. Ils l’enterreront à l’emplacement où se trouve maintenant la Tour de Londres, et, selon la légende, les corbeaux de la Tour sont l’esprit de Brân. Aussi longtemps qu’ils n’auront pas disparu, l’Angleterre ne sera jamais envahie.
Porteurs de leçons morales, les animaux de ces épopées sont aussi objets de contemplation : dans une scène célèbre des Mabinogion, « Peredur, fils d’Ewrawc », Peredur (Perceval le Gallois) croise un corbeau en train de manger un canard dans la neige, et se met à rêver à sa bien-aimée. La blancheur de la neige lui rappelle sa peau, le plumage noir de l’oiseau sa chevelure, et deux gouttes de sang évoquent la fraîcheur de ses joues. Cette scène sera déclinée en de multiples variantes dans la littérature, depuis l’épopée de Wolfram von Eschenbach, Parzifal, jusqu’au conte rapporté par les frères Grimm, Blanche-Neige.
Yann Balboc’h
L’imagerie celte des corbeaux et des corneilles est plus chthonienne que solaire. De nombreux corbeaux ont été trouvés enterrés dans des tombes celtes datant de l’âge du fer, et l’un d’eux, trouvé à Winklebury (Wiltshire), en Angleterre, était disposé avec les ailes étendues au fond d’une fosse, peut-être objet d’un sacrifice. Les corvidés étaient associés avec les déesses guerrières Bodbh et Morrighan : chacune avait le pouvoir de prendre une forme triple, et leur apparence avant et pendant le combat en prédisait l’issue. Dans la saga irlandaise La Mort de Cuchulainn, le héros rencontre trois corneilles qui viennent se poser sur son épaule, sans doute une manifestation de Bodbh, en route vers la bataille. Elles l’amènent par ruse à violer un tabou en mangeant la chair d’un chien : peu après, Cuchulainn, mortellement blessé, s’attache à une pierre levée afin de mourir debout. Ses ennemis l’observent de loin, se gardant de l’approcher, jusqu’à ce qu’une corneille, Bodbh elle-même, se pose sur son épaule.
Les histoires galloises des Mabinogion sont à peine plus proches du monde de la chevalerie. Dans « Le Songe de Rhonabwy », les chefs Arthur et Owein s’affrontent dans un jeu assez semblable aux échecs, tandis que leur entourage est en pleine bataille. Arthur est accompagné de ses chevaliers, mais les compagnons d’Owein sont des corbeaux enchantés capables de se relever de leurs blessures et même de la mort. Les corbeaux sont sur le point de vaincre les hommes d’Arthur, quand les deux chefs mettent fin à leur confrontation et déclarent la paix.
Dans l’histoire de « Branwen, fille de Llyr », le héros est le géant Brân, dont le nom, en gallois, signifie corneille ou corbeau. Sa sœur Branwen (corneille blanche) a épousé un chef de clan irlandais, mais elle a été violée par son mari. Elle envoie un étourneau à travers la mer pour avertir son frère de son déshonneur, et les armées de Brân envahissent bientôt l’Irlande. Après une terrible bataille, Brân et ses hommes massacrent les Irlandais, n’épargnant que cinq femmes enceintes réfugiées dans une grotte. Brân lui même est mortellement blessé, et seulement six de ses guerriers survivent. Sur l’ordre du géant, ses propres hommes lui coupent la tête, qui continue à parler, et la ramènent à Londres. Ils l’enterreront à l’emplacement où se trouve maintenant la Tour de Londres, et, selon la légende, les corbeaux de la Tour sont l’esprit de Brân. Aussi longtemps qu’ils n’auront pas disparu, l’Angleterre ne sera jamais envahie.
Porteurs de leçons morales, les animaux de ces épopées sont aussi objets de contemplation : dans une scène célèbre des Mabinogion, « Peredur, fils d’Ewrawc », Peredur (Perceval le Gallois) croise un corbeau en train de manger un canard dans la neige, et se met à rêver à sa bien-aimée. La blancheur de la neige lui rappelle sa peau, le plumage noir de l’oiseau sa chevelure, et deux gouttes de sang évoquent la fraîcheur de ses joues. Cette scène sera déclinée en de multiples variantes dans la littérature, depuis l’épopée de Wolfram von Eschenbach, Parzifal, jusqu’au conte rapporté par les frères Grimm, Blanche-Neige.
Yann Balboc’h
Sources :
Boria Sax, in Corbeaux. Le chemin sous les buis.