Mythologie celtique : le cygne


Rédigé le Jeudi 5 Décembre 2024 à 11:16 | Lu 49 commentaire(s)



Archétype de la pureté, de la lumière et de la noblesse, créature d’une grande esthétique, au vol silencieux, à la capacité à voyager entre les mondes, le cygne, dans la culture celtique, était souvent associé à des histoires d’amour et de métamorphose. Il pouvait avoir une valeur masculine aussi bien que féminine, qu'il renvoie au soleil comme à la lune. En fait, son polymorphisme prête à toutes les lectures, et il semble receler en lui un très fort potentiel androgynique.
 
 
Les Celtes anciens étaient un peuple presque exclusivement rural dont la dépendance à l’égard de la nature était significative. Ceci les a poussés à respecter et à vénérer certains animaux comme des êtres surnaturels. De ce fait les animaux jouent un rôle primordial dans la religion et les mythes des Celtes. 
Maintes cultures ont conçu les oiseaux comme des êtres surnaturels, grâce à leur vol. Ils sont mi-terrestres, mi-célestes et constituent en cette qualité un lien entre ce monde et l’Autre Monde. 
La première qualité des oiseaux remarquée par l’homme est bien entendu la capacité de voler. Leur vol fascine depuis les temps les plus reculés. Le fait de voler et, pour certaines espèces du moins, d’hiberner dans des pays lointains a nourri la croyance de l’homme que certains oiseaux visitent en fait l’Autre Monde. 
 
Symbolisme, imaginaire et culte du cygne
 
Le cygne était un symbole puissant, occupait une place spéciale dans les mythes et les arts et captivait naturellement l’imagination des Celtes. La blancheur immaculée de ce palmipède migrateur, au long cou flexible, est légendaire en Occident et en Orient, comme d'ailleurs sa grâce et son côté majestueux. Le monde des symboles est souvent binaire ; la blancheur évoque deux lumières, celle du jour qui est solaire et mâle mais aussi celle de la nuit qui est lunaire et femelle. Le cygne peut ainsi être chargé d'un symbolisme inversé. Cet oiseau a fort inspiré l’homme à toutes les époques. Sa blancheur donne lieu à des comparaisons avec la beauté des filles : dans le récit gallois de Kulhwch, la beauté d’Olwen est comparée à celle d’un cygne : « Ses deux seins étaient plus blancs que la poitrine du cygne blanc ». On a ici un exemple d’une métaphore animalière très positive et décidément non guerrière. 
La connexion de cet anatidé (ou palmipède) au culte solaire est bien établie et est répandue dans toute l’Europe. Les Celtes ont en commun avec d’autres peuples en Europe, la vénération et l’apaisement d’une ou de plusieurs divinités solaires. Les oiseaux aquatiques, en particulier le cygne, sont associés au culte de l’eau et à ces dieux solaires. 
 
Le cygne dans la littérature celtique
 
On retrouve des traces des légendes cultuelles dans la littérature irlandaise ancienne, puisqu’en Irlande la mémoire de la classe savante a retenu même des éléments d’un passé lointain, l’époque latènienne. Dans la forme la plus ancienne de plusieurs légendes relatives aux cygnes, nous voyons un héritage des motifs liés au culte solaire des Celtes anciens. En lisant les premiers textes des moines celtiques nous assistons à la transposition de la tradition orale païenne en une forme figée ; ces écrits sont en outre fort influencés par un milieu christianisé. Sous le vernis de ce christianisme on retrouve cependant facilement les anciennes croyances. Plus tard, l’iconographie chrétienne nous montre encore des traces de la tradition païenne, la tradition étant trop forte et trop répandue pour être éradiquée. Une solution plus simple était de reprendre la symbolique utilisée par les ancêtres pour en faire un symbolisme chrétien.
Le cygne l’emporte dans les textes celtiques insulaires aux dépens des autres oiseaux fluviatiles. Il possède parfois une force destructive, il est un messager de l’Autre Monde et en tant que tel, il attire des hommes vers les espaces ou dimensions surnaturelles. La métamorphose d’homme en cygne peut apparaître comme punition ou vengeance dans la littérature irlandaise ; une fois sous l’influence de la magie, ces êtres humains désormais transformés en cygnes peuvent enchanter les hommes sur terre, leur chant les fait souvent tomber dans un sommeil profond. Cette transformation en cygne fut plus tard un motif connu des légendes européennes. Dans plusieurs cas ces cygnes sont attelés par une chaîne d’or ou d’argent. Ce fait peut symboliser des dieux et des déesses (des divinités solaires en fin de compte) transformés en cygnes. En tout cas, les chaînes prouvent qu’il s’agit de cygnes surnaturels. La métamorphose en cygne est assez courante chez les divinités. 
 
Symbolisme et imaginaire
 
La symbolique en ce qui concerne l’amour découle du fait que les cygnes sont monogames : les couples restent pendant toute leur vie ensemble ; ceci pourrait également expliquer - en partie tout du moins - le motif des cygnes attelés de la littérature irlandaise. De plus la couleur blanc vif de leur plumage a inspiré tout un symbolisme concernant la pureté, la beauté, l’image idéale ou parfaite concernant les femmes et la bonne chance, surtout dans la tradition irlandaise. On constate fréquemment une association sexuelle dans les textes irlandais, sans doute à cause du long cou « phallique » de ces oiseaux. Les récits du Pays de Galles suggèrent par contre plutôt une croyance selon laquelle les cygnes entretenaient des relations entre le monde des mortels et l’Autre Monde ; dans les légendes galloises, ils sont avant tout les messagers des dieux. Certaines légendes racontent comment des cygnes enlèvent leur plumage pour devenir des « filles-cygnes ». Si la littérature de l’Irlande ancienne nous donne deux légendes dans lesquelles les êtres humains transformés en cygnes sont au départ des femmes ou des filles (Derbforgaill et Caer avec ses compagnons), nous disposons également de récits où les êtres transformés sont des hommes (Midir et le roi Mongán) ou des hommes et des femmes (Les enfants de Lir), récit chargé d’émotion et de symbolisme qui met en lumière la capacité du cygne à incarner la transformation et la fidélité, car les enfants, même sous forme de cygnes, restent unis et fidèles les uns aux autres.  
 
Une parcelle du divin
 
Le culte des animaux apparaît clairement et de façon relativement importante dans l’iconographie celtique, ainsi que dans l’anthroponymie. Nombreuses sont les divinités associées à un animal quelconque, en particulier aux oiseaux. Ces divinités celtes apparaissent souvent sur terre sous forme d’animal. L’avatar des divinités est de grande importance dans le Cycle Mythologique et le Cycle Héroïque, qui contiennent des chefs-d’œuvre de la littérature irlandaise ancienne.
Il s'agit d'espèces animales qui surclassent en quelque sorte l'homme en faveur de certaines particularités physiques ou de certaines « vertus ». Ces qualités animales peuvent être exagérées ou exaltées ; on va jusqu'à considérer que les animaux possèdent une « parcelle du divin ».
 
Per Manac’h
 
• Source : Bestiaire mythique, légendaire et merveilleux dans la tradition celtique : de la littérature orale à la littérature écrite : étude comparée de l’évolution du rôle et de la fonction des animaux dans les traditions écrites et orales ayant trait à la mythologie en Irlande, Écosse, Pays de Galles, Cornouailles et Bretagne à partir du Haut Moyen Âge, appuyée sur les sources écrites, iconographiques et toreutiques chez les Celtes anciens continentaux.
Dimitri Nikolai Boekhoorn


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