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MOUEZH BREIZH, LA VOIX DE LA NATION BRETONNE

CHARLES PRIEL, CHANTRE DE LA CULTURE BRETONNE.


Rédigé le Mercredi 24 Avril 2024 à 16:42 | Lu 6 commentaire(s)


IN WAR RAOK ! - N° 36 - Décembre 2012


Dans la vaste galerie de portraits de Bretons, de Bretonnes qui, par leurs talents, leur érudition, dédièrent leurs œuvres, leur vie à la Bretagne, nombreux sont celles et ceux dont le nom même reste inconnu, tant l’expression culturelle bretonne semble se focaliser autour de quelques personnalités médiatisées. L’écrivain-acteur Charles Priel est l’un de ces « grands oubliés ».

 

Charles Priel, de son vrai nom, Charles Joseph Marie Tremel, naquit le 23 avril 1885 à Plouguiel près de Tréguier. Le petit Charles eut le breton comme langue maternelle, et comme bien de ses contemporains enfants, il eut à souffrir de l’interdiction de s’exprimer à l’école dans la langue de son pays, une persécution qui va le marquer à vie, et comme pour bien d’autres va avoir pour effet  tout le contraire espéré par les « Hussards noirs de la République », renforcer chez tous ces jeunes persécutés l’amour de leur langue, et plus tard les engager dans la défense de l’identité culturelle, religieuse, politique de leur patrie bretonne. Il va d’ailleurs si bien apprendre le français, qu’il pourra de 1911 à 1914 devenir professeur de français à …Borovitch en Russie. Il ne cessera de dire toute la reconnaissance qu’il devait à ses grands-parents qui l’avait élevé dans « une culture bénie » de foi, et que c’est à eux qu’il devait cet amour de la langue bretonne. Son grand-père était un de ces « rimailleurs » public, personnage haut en couleurs de Plouguiel, et c’est encore à lui qu’il devra ce don précoce du théâtre. A neuf ans, il met en scène avec ses petits camarades une « Nativité ». Ce talent, il va le développer au petit séminaire de Tréguier où il fait de brillantes études.  Il pense un temps avoir la vocation, mais finalement renoncera à la prêtrise. Ses parents tiennent au bourg de Plouguiel une petite hôtellerie et un café-tabac à l’enseigne en breton, « Ostaleri ha ti-butun », mais les affaires ne sont guère brillantes, et l’argent fait défaut, le commerce est vendu, ce qui implique pour le jeune Charles l’arrêt de ses études à Rennes ou à Paris.


L’attrait du grand large

Il cède alors à l’attrait de la mer, et va faire cinq ans dans « La Royale ». Au collège, il a apprit à jouer du trombone, ce qui lui vaut d’être affecté à la musique des Equipages de la Flotte ; durant cinq années il va sillonner toutes les mers, et aller d’escales en escales, toutes aussi prestigieuses les unes que les autres, et il sera de tous les voyages officiels. Ce poste va lui permettre d’observer avec amusement la « grande parade » de bien des têtes couronnées, des parvenus et gloires du moment, tout un monde qui allait sous peu se fracasser et disparaître dans la boucherie européenne de 14/18, un observatoire qui va « aiguiser » son âme de comédien. C’est lors d’une escale en mer Baltique où il est appelé à donner l’aubade au Tsar Nicolas II, que la Sainte Russie va entrer dans sa vie et le marquer à jamais. Il va être littéralement fasciné par cette Russie d’avant le bolchevisme, et il en parlera avec cette saveur toute celto-slave qui lui sera si propre.  Il n’est pas jusqu’à son physique qui va comme subir l’empreinte de cette Russie qu’il aime tant, et le faire ressembler à un authentique Russe. C’est à la fin de son engagement dans la Marine qu’il rencontre à Brest l’âme sœur, mais elle ne s’appelle ni Olga, ni Natacha mais tout simplement Jeannette Branchereau et est professeur de Français en …Russie où il va la suivre après leur mariage à Moscou en 1911.

1914, c’est la guerre. Il rentre en France. Sa parfaite connaissance de la langue de Tolstoï le désigne comme interprète auprès des unités russes en Champagne. Il le sera également en Algérie. En 1921, il est de nouveau interprète en Pologne, dans les services de renseignements français. C’est à Varsovie que commence sa carrière littéraire, sous le pseudonyme de Jarl (Charles) Priel, nom breton de Plouguiel. Audacieux, sans complexes, il envoie à l’acteur très en pointe à l’époque, Charles Dullin une de ses premières pièces « Les risques de la vertu » ; séduit, celui-ci monte et joue la pièce en 1923.  Désormais les portes du Tout-Paris théâtral et littéraire lui sont ouvertes, il a démissionné de son emploi au ministère de la Guerre pour devenir le secrétaire de Charles Dullin, et c’est une longue amitié qui va les lier. Dès lors, il fréquente les grands du théâtre et du cinéma comme Louis Jouvet qui va lui apporter toute son aide, des relations qui toutefois seront, vu les caractères des deux intéressés, souvent conflictuelles. D’autres noms célèbres, comme Georges Pitoef, Michel Simon, Jean-Louis Barrault, Harry Baur, Pierre Fresnay seront de ses amis, ainsi que le prince Ioussoupov, l’assassin de Raspoutine et exilé à Paris. Il entretiendra également une correspondance avec Pierre Loti. Il va être encore le collaborateur de diverses revues littéraires comme « Mercure de France », « les Marges », « Candide », « Gringoire ». Il publie un autre roman : « Le trois-mâts errant », une nouvelle « Barbe-Rouge », ainsi que plusieurs pièces de théâtre. Jusque-là, son œuvre littéraire est entièrement écrite en français, c’est, si l’on peut dire sa « période française », qui pour avoir été très active, s’achève en 1935.


Retour aux sources

 

Malade, il s’installe un temps à Antibes. Revenu en Bretagne en 1937, dans sa vieille maison de « Krec’h Eliez », il écrit et monte de nombreuses petites pièces de théâtre, « pièces de patronage sans valeur littéraire » en a-t-il dit lui-même. Si le breton est sa langue maternelle, outre le français, le russe, il parle l’allemand, l’anglais et le…latin. Ce plurilinguisme qui lui donne une ouverture d’esprit sans pareil influencera toute son œuvre littéraire, et va lui donner, si besoin en était, une conscience encore plus grande de la richesse de sa langue maternelle. Dès lors, ses pièces, ses romans, ses écrits divers vont, à quelques exceptions près, être en breton, bilan : une quinzaine de pièces de théâtre qui vont du comique au tragique, inspirées du Trégor ou de la vieille Russie. Nous publions en encadré la liste de son  abondante œuvre. En 1942, le Bleun-Brug de Tréguier lui donne l’occasion d’écrire une superbe pièce qui ravira l’abbé Perrot, « An dakenn dour » (La goutte d’eau), qu’il joue lui-même avec sa troupe de Plouguiel. En 1943, les bénéfices de ses pièces iront au profit des prisonniers de guerre. Très introduit dans les diverses composantes du mouvement breton, il entre comme membre du Gorsedd des druides. Mais son plus grand roman est celui de sa vie qu’il publie en trois volumes, « Va zammig buhez » (1954), « Va buhez e Russia » (1955), « Amañ hag ahont » (1957). En 1952, une nouvelle fois pour le Bleun-Brug de Tréguier il compose un jeu scénique bilingue sur la vie de Saint Yves. Comédien dans l’âme, il va accepter avec enthousiasme le rôle de l’ermite, Salaün ar Fol que lui propose les frères Caouissin dans leur film, « Le Mystère du Folgoât » (1953). Un personnage qu’il va en quelque sorte faire «  entrer dans sa peau », jouer avec une conviction profonde de foi dont on retrouvera toute l’extraordinaire expression dans son visage, que Perrig Caouissin le caméraman fixera  comme l’équivalent d’un tableau d’un grand maître. En 1956, sa femme décède, elle repose à Plouguiel. Jarl Priel se retrouve seul, avec une santé des plus fragile. Il va produire encore quelques contes, quelques articles, entretenir un échange de correspondance avec ses meilleurs amis.
En 1963, il quitte la Bretagne pour rejoindre sa fille unique, Anna qui réside dans le Midi. Le 19 août 1965  il meurt à l’âge de 80 ans, et est enterré à Marseille, loin de son épouse, de sa Bretagne. Jarl Priel est non seulement pétri de foi chrétienne et de foi bretonne, mais il est viscéralement anti-communiste, son roman « Sous la faucille et le marteau » en témoignera. Un roman qui lui vaut les sympathies de la droite antibolchevique, et les plus vives félicitations du directeur du Figaro de l’époque, François Coty, qui dans une lettre (7 mai 1928) lui écrit,

« Sous la faucille et le marteau » est non seulement une remarquable œuvre littéraire, mais ce livre acquiert, à force d’art, la valeur d’un document rare. Il est certain que vous connaissez admirablement la Russie bolchevique et non moins l’âme russe. La vérité se dégage de votre livre. Ces évènements que vous relatez, ces angoisses, ces horreurs, tout cela a été … ».

En 1985, la municipalité de Plouguiel soucieuse de commémorer le centième anniversaire de sa naissance lui consacrera par un numéro spécial son bulletin municipal, organisera une exposition sur sa vie, son œuvre, avec la pièce  « Ar Vatez vihan » jouée par la troupe « Ar Vro Pagan », et projection du film « Le Mystère du Folgoât ». Une plaque commémorative sera apposée à la mairie de Plouguiel .

ERWAN HOUARDON 

 

Sources : 

  • Archives Herry Caouissin. Photo Perig Caouissin.
  • Bulletin  municipal, numéro spécial  de Plouguiel (12 mai 1985). 



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