IN WAR RAOK ! - N° 45 - Avril 2015
Cette année, la République d'Irlande commémore les 100 ans du soulèvement nationaliste de Pâques 1916. Cette insurrection, socle fondateur de la fierté nationale, est un jour de liesse pour le peuple irlandais. Elle représente le Tigre indomptable celtique, le "sacrifice du sang" de nombreux patriotes irlandais. Cette sanglante insurrection pour l’indépendance nationale a résulté de l’unanimité de toutes les classes, de toutes les courageuses forces rebelles de la société irlandaise. Ce soulèvement de Pâques est en fait le produit de l’unité entre le mouvement nationaliste et le mouvement ouvrier représenté par deux leaders contre la domination britannique : Padraig Pearse à la tête des "Volontaires irlandais" et le socialiste James Connolly commandant la milice appelée "Armée des citoyens irlandais".
Alors que depuis près de deux ans l’Europe est plongée dans une guerre cruelle et fratricide, un millier de combattants nationalistes se soulèvent dans la capitale irlandaise. Tout commence le lundi de Pâques, 24 avril, par le défilé, autorisé et attendu, dans O'Connell Street, de l'Irish Citizen Army et de l'Irish Volunteers Force. La foule se rue vers la Poste centrale et divers autres bâtiments d'importance stratégique (comme la Gare et le Palais de Justice) qu'elle investit. L’effet de surprise est total. Le chef des insurgés, Padraig Pearse lit à la foule présente la déclaration d’une République d'Irlande indépendante de la couronne britannique. Les insurgés tiennent tête toute une semaine à l’armée et à la marine britanniques. Des armes sont dérobées aux forces anglaises, des vivres et des médicaments sont amassés. Les assauts des troupes britanniques ne rencontrent pas le succès. Pire : les nationalistes attaquent et emportent un certain nombre de casernes. Sans se décourager les militaires anglais utilisent le téléphone, qu'ils sont les seuls à contrôler, et mobilisent leurs troupes avoisinantes, notamment à Belfast. Les assauts du lendemain, 25 avril, causent quelques soucis aux nationalistes. Quatre jours encore et, comprenant que, sans le soutien massif de l'extérieur, ils ne pourront atteindre leur objectif, les insurgés se décident à capituler sans conditions, le 29 avril 1916. La répression exercée par les forces britanniques et sa brutalité vont être décisives dans le renversement de l'opinion publique envers les Irlandais nationalistes. Rien qu'à Dublin, 3 500 hommes et 79 femmes sont arrêtés. En tout, si l'on tient compte des arrestations effectuées en Grande-Bretagne et au Pays-de-Galles, on arrive à un total de 5 000 personnes appréhendées. Les dirigeants du gouvernement provisoire de la non moins éphémère première République irlandaise passent en conseil de guerre. Les juges prononcent environ quatre-vingt-dix condamnations à mort mais seules quinze d'entre elles seront appliquées. Padraig Pearse est fusillé le 3 mai. James Connolly le suit neuf jours plus tard dans des conditions qui ne font pas honneur à ses bourreaux. On l'arrache à son lit d'hôpital pour l'asseoir tant bien que mal sur une chaise et là, on ne l'exécute pas : on l'abat. Des personnalités nationalistes qui n'avaient pas trempé dans l'affaire, tel Arthur Griffith, sont elles aussi inquiétées et il faut deux interventions du président américain Woodrow Wilson pour que le Royaume-Uni, peu soucieux de blesser son nouvel allié dans la guerre, procède à la libération, en deux temps, des accusés emprisonnés. Éamon de Valera échappe à la peine capitale, du fait de sa nationalité américaine. Le soulèvement aura fait 500 victimes, principalement civiles.
S’ils furent écrasés sous les bombes et les obus d’une des plus fortes armées impérialistes, les insurgés de Pâques 1916 n’en annoncent pas moins la fin prochaine de la domination séculaire de la Grande-Bretagne sur l’Irlande et l’indépendance de la majeure partie du territoire de l’île. Ils ouvrent la première brèche dans l’Empire britannique qui souhaitait que ce soit la fin de l’histoire. Il n’en fut rien. L’insurrection et son écrasement renforcèrent les sentiments nationalistes en Irlande. La dureté de cette répression va rapidement transformer cet échec d'insurrection, en victoire politique. Aux élections de 1918, le Sinn Fein emporte plus des trois quarts des votes à la Chambre des Communes. Refusant d'aller à Westminster, les députés irlandais se réunissent à Dublin et adoptent la Constitution provisoire de la République d'Irlande.
Meriadeg de Keranflec’h.