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MOUEZH BREIZH, LA VOIX DE LA NATION BRETONNE

SOCIALISME ÉTHIQUE ET GAUCHE SADIENNE


Rédigé le Mercredi 24 Avril 2024 à 18:13 | Lu 3 commentaire(s)


IN WAR RAOK ! - N° 40 - Juillet 2014


 

Résumant d’une formule sa doctrine exposée en détail dans le « Manifeste Communiste » et dans « Le Capital », Marx écrivait que durant la première phase historique succédant à la révolution prolétarienne le socialisme dit scientifique distribuerait à chacun selon son travail. Marx n’est pas le premier intellectuel socialiste, avant lui Cabet, Fourier, Toussenel et bien entendu Proudhon avaient défini un socialisme dont le noyau rationnel n’était pas forcément l’idée de l’égalité naturelle entre les hommes, mais l’exigence de justice qui veut que chacun reçoive selon ses mérites et son apport à la communauté. En ce sens le socialisme pouvait être compris comme une réaction à l’esprit du XIXème siècle marqué par une foi progressiviste découlant du paradigme libéral en économie et en politique. Même après Marx et contre Marx, le socialisme, détaché de l’économisme, prétend à la reconstruction d’une hiérarchie basée sur l’héroïsme et non sur les rapports des forces productives. C’est là le socialisme de Péguy, de Sorel, des anarcho-syndicalistes en France comme en Italie. Et c‘est aussi le socialisme défendu par l’Action Française au cours des années 1911-1912 à travers le cercle Proudhon.

« A chacun selon son travail » ou bien encore « A chacun selon ses possibilités », ces deux formules que reprend Marx pour tenter de leur donner une base scientifique en les faisant dépendre du processus économique, ces deux formules détachées des contingences des rapports de production sonnent comme une exigence radicale d'équilibre dans le sens de la diké grecque qui renvoie à l’harmonie de la cité qui veut que chacun reçoive selon ce qui lui est du et selon le rang qu’il doit y tenir.

Mais, on s’en doute bien, la formule « A chacun son travail » ne résume pour Marx qu’une étape dans l’évolution des rapports de production : le néo-socialisme dit scientifique entend ainsi stimuler les forces productives (le prolétariat) par l’appât de la consommation sans frein. C’est à ce point que se rejoignent le marxisme et le libéralisme économique : la fameuse « main invisible » d’Adam Smith redistribue les fruits de la production capitaliste, tandis que chez Marx cette « main invisible » est objectivée par la prise en main des outils de production et d’échange par les producteurs eux mêmes. Socialisme marxiste et libéralisme économique partage donc la même métaphysique : il existe au départ non pas une mais des conditions humaines définies par la place que tient chacun dans le processus de production et de consommation. Le procès de l’histoire consiste à égaliser les conditions en une seule condition humaine : celui du consommateur rassasié non seulement des fruits de son travail mais de tout le surplus produit par la communauté élargie au monde. Cette anthropologie doit tout à la doctrine des droits naturels défendus aux XVIIème et XVIIIème siècles par l’Anglais Hobbes et le Suisse Rousseau d’où il s’ensuit que bonheur et rang social sont étroitement liés dans le processus productif.

Si le « A chacun selon son travail » (modéré par le « à chacun selon ses profits » dans la pensée libérale) constitue le point focal de l’économisme, il n’est cependant, dans la théorie marxiste, qu’une étape avant le point final de l’histoire qu’exprime le « De chacun selon ses possibilités, à chacun selon ses besoins » que synthétise le communisme, ultime étape du règne de la quantité.
Dans la société communiste les besoins matériels deviennent l’alpha et l’oméga de l’existence, d’où le fait que Marx puis Lénine décrètent la fin de la philosophie et de toute vita contemplativa au profit d’un monde où l’altérité de l’homme se résume à l’objet de sa consommation ou plutôt à l’objet de son désir.

On touche ici à l’essence du phénomène marxiste et de ses multiples variantes léniniste, sociale-démocrate, sociale-libertaire ou tout simplement démocrate : l’idéal d’un monde entièrement pacifié par le jeu de l’égalité des conditions économiques et sociales d’un bout à l’autre de la planète. Dans ce monde « dé-qualifié » l’homme n’apparaît plus comme l’antique Prométhée dont l’humanité tient en ce qu’il dépasse justement la condition matérielle humaine pour devenir détenteur du feu à l’égal des dieux. L’homme du marxisme, c’est à dire l’homme du paroxysme quantitatif, ne se situe plus qu’à l’égal de lui même, de ses désirs et non selon une échelle qualitative de « moins qu’humain » à « plus qu’humain ». L’idéal d’une telle société est de réduire encore la seule contradiction existante entre l’homme et le bien de consommation, afin que l’Etre se dessine dans l’absorption du premier terme par le second. C’est au bout de ce processus que l’homme « objeteïsé » devient à son tour un bien de consommation mondiale dont la pornographie, l’adoption sans frontières d’enfants, le métissage généralisé constituent les aspects saillants. Le rapport au monde devient alors rapport de jouissance des « êtres choses » sans entraves que ce soit au moyen du marché ou de la planification socialiste. Nous nous trouvons au terme de l’évolution de l’humanisme (Rabelais et le dévoilement de tous les instincts) et des Lumières (le contrat social de Rousseau, mise en œuvre de l’interchangeabilité des rapports au sein du politique, Sade et la sexualité déréglée comme ultime phase de cette interchangeabilité).

Tant que le socialisme pouvait encore s’appuyer exclusivement sur une base ouvrière, c’est-à-dire avant le tournant de l’Affaire Dreyfus au début du XXème siècle -(réduction du socialisme à un supra-humanisme)-il pouvait être le porteur d’une éthique de common sense, éthique défendue d’ailleurs par les socialistes pré-marxistes comme par les socialistes critiques du marxisme à l’instar du français Georges Sorel puis du belge Henri de Man. Le socialisme éthique est profondément conservateur. A la hiérarchie fondée sur le capital, produit de la révolution bourgeoise, il substitue une hiérarchie basée sur la différenciation qualitative des hommes entre eux. A la marchandisation du monde, souhaitée par Marx comme préalable nécessaire à la réalisation du socialisme scientifique puis du communisme, le socialisme éthique propose une relation prométhéenne au monde qui protège les hommes de leur réduction en biens de consommation. Le socialisme éthique est en fin de compte l’inverse du socialisme démocratique en ce qu’il est une vivante critique de la Gauche sadienne et de son slogan de saturation planétaire : « Vivre et jouir sans entraves ». 

 

Tudi-Kael Preder




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